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Shangols
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22 août 2023

Chien de la Casse de Jean-Baptiste Durand - 2023

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Voilà typiquement le genre de films qui nous arrivent de nulle part, et qui pourraient bien se retrouver dans notre best-of de l'année, le genre de trucs qu'on adore défendre becs et ongles. Premier film, et déjà une incroyable personnalité dans cette chronique villageoise d'une jeunesse désœuvrée. Ou plutôt trois jeunesses : Dog, petit mec taiseux et rongé par la timidité, passe son temps sur la Play quand il ne traine pas dans les ruelles de son village du Pouget (Hérault) à la suite de son pote Mirales. Celui-ci est son opposé : grande gueule, il est pote avec tout le monde, la vieille artiste du coin, l'idiot du village, les autres jeunes, et exerce une domination presque effrayante sur notre pauvre Dog. Petite suite d'humiliations et d'engueulades qui cachent mal une profonde affection, et un désespoir de ne pas parvenir à sortir enfin de ce trou du cul du monde pour vivre sa vie. C'est alors que débarque la Parisienne de l'histoire, Elsa, qui s'amourache de Dog et devient de fait une menace pour Mirales : l'amitié de nos deux copains antithétiques y survivra-t-elle ? Dog va-t-il enfin trouver son émancipation loin de son pote, s'assumant enfin en tant qu'individu ? Et Mirales reconnaitra-t-il enfin que, des deux, c'est peut-être bien lui qui a besoin de l'autre ?

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Dès la première scène, magnifique, le ton est donné : alors qu'on a l'impression qu'une bagarre va être déclenchée, une tape sur l'épaule désamorce le tout, et on se retrouve face à une amitié totale. Le film ne cessera ainsi de montrer Mirales comme un personnage ambigu, dangereux peut-être mais capable de s'émouvoir pour un morceau de piano, de comprendre la peinture abstraite de sa mère, ou de lire Montaigne ou Hermann Hesse. A chaque scène, le film semble prendre le revers de ce qu'on attend : oui, la vie dans ce village endormi est possible, et même belle ; non, Mirales n'est pas ce dealer crétin qu'on voudrait facilement résumer ; oui, une amitié peut se trouver là, dans deux êtres que tout oppose. En ancrant fortement son film dans son territoire (un village filmé comme une ville américaine tentaculaire), en piquant aux grands films ricains quelques recettes (la scène d'action finale, les rapports humains, et jusqu'au chien qui devient un personnage central du film), Durand a choisi une option à la fois très originale et très respectueuse de ses personnages. Il aime de toute évidence et son décor et ses acteurs, les regarde avec un réalisme et une tendresse extrêmes. Alors même qu'il est question de sentiments assez ténus (l'amitié, la domination, l'amour), Chien de la casse se suit comme un suspense. Le gros plus du film, c'est cet acteur absolument extraordinaire, Raphaël Quenard, qui campe le "grand frère" avec un naturel confondant : il est touchant, inquiétant, beau, pathétique, gouailleur, ordinaire, grandiose. Mais le petit gars Anthony Bajon, dans un rôle plus subtil, ne démérite pas, ainsi que tous les seconds rôles, parfait défilé de petits mecs légèrement losers sur les bords. On se retrouve peu à peu extraordinairement touché par ces scènes intimes et très bien écrites, qui montrent subtilement la profondeur d'un lien amical, sa fragilité et sa solidité tout à la fois. Un film sur l'amitié ? Un film pour Shangols, ça va de soi. (Gols 04/05/23)

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Très bonne découverte de l'ami Gols (découverte adoubée par Mitch... on est en plein rêve, pour un film français !), une œuvre qui devient en effet attachante dès les premières minutes... Et ce même si ce Mirales qui joue les cadors tape rapidement sur les nerfs, même si son pote mutique tape un peu sur les nerfs, même si cette parisienne aux attentes floues tape légèrement sur les nerfs... On a là des êtres, comme le soulignait malicieusement ma camarade de jeu, pour le moins ambivalents (la très belle scène dans la boîte de nuit où les deux moitiés du visage de Mirales s'éclairent à tour de rôle) et dont l'habit ne fait le moine : Mirales avec ses allures de branleurs et son CAP cuisine évoque Le Loup des Steppes avec passion (et là l'ami Gols fond), son pote puceau emballe la parisienne en moins de deux, et cette parisienne aux yeux doux de vaches landaises annoncent à la cantonade qu'elle suit des études supérieures en litté comparée (ce qui mérite toujours un certain respect, même si généralement personne ne comprend les intitulés des cours). Trois personnages qui s'observent, s'attirent, se blessent, se séparent, mais surtout deux mecs qui semblent irrémédiablement dépendants l'un de l'autre. On sent dès le départ que la grande gueule (toujours ouverte) de Mirales se plaît à enfoncer son pote devant les autres dans le seul but de briller (lui qui a tant de prétentions et aussi peu de chose à montrer), on comprend que la (sale) gueule (souvent fermée) de son pote voit malgré tout en Mirales une sorte de vague protecteur, on perçoit bien à quel point l'équilibre entre les deux est étrange mais aussi à quel point cette amitié est forte. Une simple histoire d'amitié mise à mal dans un petit village perdu du sud, cela suffit-il pour rendre la chose passionnante ? Eh bien, on aurait envie de dire oui tant le film est bien écrit, magnifiquement interprété et joliment filmé (cette façon qu'à la caméra de suivre ce dos nonchalant de Mirales traînant sa carcasse dans les petites rues du villages est notamment très bien vue ; la capacité également à rendre ce simple décor (subtilement éclairé) de petit bled comme une sorte de labyrinthe, comme le notait déjà Gols, est tout autant remarquable). Des petites histoires banales qui tournent chemin faisant à la tragi-comédie (♪ la balle à Babar... ♪ !!!!) et qui prennent sur le fil le spectateur à la gorge - sans mélodrame retentissant pour autant, sans apitoiement, sans effets faciles... On plussoie donc pour applaudir à deux mains ce premier essai de long impeccablement maîtrisé. (Shang 22/08/23)

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Commentaires
H
Ce qui est aussi très réussi, c'est la façon dont le film parvient à suggérer, vers la fin du film (lorsque, dans un moment grave que je ne déflorerai point, Mirales raconte à Dog comment à un moment de sa vie il en est venu à énormément fumé), tout un aspect chaleureux de la relation entre les deux protagonistes que ce que nous avions vu jusqu'alors à l'écran ne nous permettait pas forcément de supposer. La phrase de Mirales à l'ex-étudiante en littérature comparée (« On ne t'a jamais dit de ne pas juger un livre à sa couverture ? ») prend alors une résonance insoupçonnée. Par ailleurs, moi qui accorde énormément d'importance aux titres et aux noms des personnages (si souvent bâclés) des œuvres de fiction, j'ai aussi aimé ce film pour ceux-ci : 'Chien de la casse', Mirales et Dog, c'est très bien.
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H
Je ne peux que joindre ma voix au concert de louanges. L'atmosphère d'une petite commune de l'Hérault un peu esseulée est très bien rendue, et rappelle celle de bourgades similaires du Sud-Ouest telle qu'Alain Guiraudie donnait à la percevoir dans ses premiers films (particulièrement dans les scènes vespérales). La coda du film s'avère un peu décevante, même si elle est logique par rapport à l'évolution du personnage (assez fascinant) de Mirales.
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M
Si une critique est, entre autres, "valable" quand elle donne envie d'aller voir un film, celle-ci est une réussite. Et là, on remercie les Shangols.
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