Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
26 janvier 2023

LIVRE : L'Âge de détruire de Pauline Peyrade - 2023

9ffa5ea751aa0b1157f7b1e512be3ce2169a6a04540bbcbc065035fbe43a3a7dMon respect est acquis à Pauline Peyrade pour son travail théâtral, ça va de soi. Pour ce qui est de son travail romanesque, elle a encore un peu de boulot, révérences gardées. En fait elle exporte ses réflexions théâtrales (le non-dit, le silence...) dans le monde du roman, et là où la densité était de mise dans ses pièces, on se retrouve avec L'Âge de détruire devant un texte tellement indicible et sensible qu'il en devient inexistant. Le sujet, ô combien original de notre temps où 42 romans par mois sortent sur ce thème : le harcèlement sexuel, la manipulation mentale, les parents toxiques, et les fatales conséquences que cette violence domestique a sur ses victimes même des années après. La particularité de ce texte, tout de même, soyons justes, est que la menace vient non pas d'un père brutal ou d'un oncle aviné, mais de la mère de la narratrice, personnage singulier dont on a du mal jusqu'au bout à deviner si elle est vraiment complètement folle, juste un peu trop aimante ou si ce n'est pas la narratrice elle-même qui est folle. En tout cas, autoritaire et cyclotomique, en soif inextinguible d'amour et d'attention, elle exerce sur sa fillette de 7 ans un pouvoir délétère et flippant que le roman rend assez bien. Il ne se passe pas grand chose en surface dans ce récit du quotidien ; mais en profondeur, au détour d'une phrase, d'un comportement, d'une situation gênante, on devine que tout n'est pas si lisse : une mère qui se glisse dans le lit de sa fille toutes les nuits, qui refuse de recevoir du monde chez elle, qui verse le chaud et le froid sur ses rapports avec sa gamine, voire qui, le temps d'une seule phrase, se livre à des attouchements sur elle, c'est louche. La petite subit et vit dans la terreur. Le pire étant que le livre, bâti en deux parties (Elsa à 7 ans, Elsa à 22 ans), se conclue sur un bien triste constat : la folie est héréditaire...

Est réussi ce travail sur l'angoisse diffuse qu'exerce cette femme toxique sur sa fille. On ne sait pas trop de quoi on doit avoir peur, mais on a peur, non seulement de la mère, mais de la fille. Celle-ci dérive franchement lors d'une scène assez bien vue de rencontre avec une copine d'école, au cours de laquelle Elsa semble reproduire les actes de sa mère. Celle-ci, lors d'entrevues avec sa propre mère, aura aussi l'occasion de montrer que le mal passe de génération en génération. Il y a comme ça des scènes saillantes dans le roman, qui font qu'on continue à lire malgré tout, qui relancent l'intérêt et font entrevoir le cœur du projet de Peyrade. Il y en a bien besoin, tant le texte est raté à plein d'autres endroits. L'écriture, notamment, est si épurée, si soucieuse de ne raconter que la surface des choses en évitant la psychologie, qu'elle en devient transparente, beaucoup trop blanche. Phrases courtes (comme les autres), au présent (comme les autres), notations très précises du quotidien et des choses banales qui entourent notre fillette pour mieux faire saillir les pointes de drame qui arrivent parfois, on en a un peu assez de ce modèle de style transposable à tous les romans de Minuit. On finirait par croire qu'il n'y a que ce moyen de valable pour parler de déviance sexuelle et de domination, tant on retombe éternellement dans les mêmes rythmes, les mêmes détails, les mêmes modèles de trame. A force de ne pas vouloir dire tout en disant, Peyrade finit par être plate ; et c'est bien dommage, car son sujet aurait mérité une autre réflexion sur la façon de le décrire, plus incarnée, plus sanguine. Du coup, L'Âge de détruire rentre dans le rang et menace d'être oublié dans les minutes qui suivent sa lecture...

Commentaires
Derniers commentaires