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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
26 janvier 2023

Short Cuts (1993) de Robert Altman

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On change indéniablement de braquet avec ce film choral (dont Altman reste le pape du genre) de toute beauté. Altman bénéficie de la fine fleur des acteurs (ou disons des enfants de chœur) new generation et livre, en adaptant diverses nouvelles de Carver, une œuvre absolument remarquable en tout point ; Altman a un don pour traiter aussi bien séparément ces trajectoires que pour les faire s'entrecroiser et le montage de la chose est déjà une merveille en soi - ce d'autant que les micro-transitions sont souvent magnifiquement soignées (des images qui se répètent d'une séquence à une autre (tel un verre de lait sur une table de chevet puis la même chose à la télé pour passer d'une histoire à l'autre ; ou une porte qui là se ferme sur un récit quand une autre s'ouvre dans le plan qui suit, chez d'autres personnages) : des petits clins d’œil visuels et légers qui apportent une belle fluidité à la chose). Si la forme est digne de la construction d'un boléro (on revient sur chaque histoire à plusieurs reprises avec une montée progressive dans l'intensité des relations... jusqu'au tremolo, pardon, jusqu'au tremblement de terre qui sonne le glas... ou rabiboche nos petits insectes humains), le fond demeure tout aussi captivant : des histoires de couples, encore et toujours, qui sentent malheureusement le pâté plus souvent qu'à leur tour... Beaucoup de mâles ne sont pas à la fête vu leur parfaite attitude à la con (Tim Robins en flic adultère à claquer, Peter Gallagher en ex jaloux à détruire - en attendant c'est lui qui détruit tout, certes) : leur alcoolisme, leur violence, leur lâcheté, leur égoïsme, leur fourberie sont en effet ici joliment à l'honneur. Les femmes ne sont pas forcément épargnées ou mises au pinacle (le récit notamment de cette mère et de sa fille qui ont rompu toute communication et qui cohabitent sans plus se comprendre : pas folichon) ; la plupart se retrouvent tout de même dans un rôle de victime, victime qui trouve au besoin la parade... dans un petit verre (ou plus) d'alcool : il faut bien se détendre dans ce monde mesquin, rugueux...

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On se dit, plus les histoires défilent, plus les emmerdes s'accumulent, que l'ami Altman dresse un portrait guère reluisant des relations humaines : on se trompe, on se quitte, on fait sa crise, on revient la queue entre les jambes, c'est un portrait pour le moins à l'acide (plus que sous acide) de ce Los Angeles où les anges semblent avoir perdu leurs ailes depuis longtemps. Tout cela est guère reluisant ma foi... Heureusement, si la mort guette, si la mort frappe même de façon aveugle, certains couples ne vont pas forcément finir dans la morosité - ils vont même parfois tenter de trouver un nouvel élan... Le cynisme, si on le croise souvent au coin de la rue ou dans les recoins d'une chambre à coucher, ne frappe pas forcément systématiquement ces hommes et ces femmes : s'ils se noient souvent dans leur amour, ils parviennent aussi parfois à surnager. Certains personnages sont certes éminemment pathétiques (la longue confession sur son adultère passé de Jack Lemmon (en pleine forme au niveau de la performance d'acteur) : il s'enfonce sans même en prendre conscience ; un personnage relativement pitoyable qui fuit ses propres responsabilités... jusqu'au bout du bout) quand d'autres, surtout les femmes, tentent de garder la foi coûte que coûte (Julianne Moore en tête - mais sans culotte, aussi, c'est vrai). On tente de faire avec ces mâles veules, menteurs, truqueurs, en s'adaptant plus ou moins à leur faiblesse, leur petitesse... On grince des dents, mais la survie des couples semble parfois à ce prix - ou pas, certes... C'est grinçant, donc, mais cette construction possède un tel souffle, une telle intelligence, qu'on passe de l'un à l'autre de ces piètres individus (qui ne sont pas tout le temps dénués de compassion envers leur prochain, heureusement), des ces piètres destins avec un plaisir sans cesse renouvelé. Trois heures, fusil, mais qui passent comme une lettre à la poste quand il y avait encore la Poste. Bref, un Altman orchestré de main de maître avec des instruments humains qui sonnent pourtant, moralement (la et le moral(e)), terriblement creux : une gageure au départ, une réussite totale.

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Commentaires
S
Ça commence avec des hélicos qui pulvérisent sur la féroce mégalopole un vaccin contre le mal (de l'incommunication ? de la dépravation ? de l'individualisme ? Non parce que ces nuisibles on a bien compris qui ils sont) et ça finit par un gros froncement de sourcil de la Pachamama. Entre ces deux panacées (l'humaine et chimique qui tombe du ciel - plutôt inefficace - et la 100 % naturelle, cette semonce de la terre - plus efficiente) Altman jongle avec des bijoux d'insectes. Il réussit même parfois à intensifier certaines perceptions déjà implacables de Carver en en télescopant - idée brillante - les récits. Opus inusable.
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