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23 septembre 2022

Suis-moi, je te fuis / Fuis-moi, je te suis (Honki no shirushi : Gekijō ban) de Kōji Fukada - 2022

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Bien talentueux décidément ce Kōji Fukada qui, après quelques œuvres aux scénarios malins et retors, nous revient aujourd'hui avec un film plus sobre, plus secret, mais non moins prenant. Construit en deux volets qui semblent se répondre l'un l'autre en proposant en quelque sorte un miroir inversé de l'autre, cette longue (pas loin de 4 heures) variation autour de l'obsession amoureuse, d'abord masculine, ensuite féminine, sait toucher juste, être très pertinente dans son fond tout en cultivant un petit côté "suspense" tout à fait plaisant.

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Premier volet (Suis-moi, je te fuis) : racontée du point de vue d'un jeune employé de bureau dans une entreprise de feux d'artifices, c'est la rencontre improbable avec une jeune femme pleine de secrets et de mystères. Il la sauve de la mort, elle s'accroche à lui, devient carrément un parasite dans sa vie, menaçant son (ses) histoire(s) d'amour, le faisant frôler le danger et vider son compte en banque pour elle. Mais chaque fois qu'il la récupère, plus ou moins chiffonnée, dans des situations de plus en plus douteuses, elle lui échappe, lui glisse entre les doigts, si bien qu'il n'arrive jamais à savoir exactement qui elle est. Est-elle une perverse le tenant dans ses filets et abusant de lui pour échapper à son mari, à son passé, à une vie de débauche ? Ou est-elle cette fille perdue, malchanceuse, maltraitée et attachante qui lui apparaît à chaque fois qu'il est tenté de baisser les bras ? Le scénario, exemplaire comme toujours chez ce cinéaste, cultive avec une subtilité sidérante le mystère. On est vraiment placé du point de vue de Tsuji, contraint d'affronter l'énigme complète de cette femme qu'on n'arrive pas à saisir, et qui nous séduit pourtant. Sa lente descente aux enfers nous apparaît d'autant plus cruelle qu'elle est inexplicable : juste un gars qui rencontre une fille, et qui devient prisonnier de son sentiment, même si tout lui hurle de renoncer. Dans un style très sobre, qui n'exclut pas l'humour, dans une mise en scène magnifique de (fausse) simplicité, Fukada développe comme toujours le thème de la vie en communauté, scrutant les répercussions que cette passion a sur l'entourage de Tsuji, sur sa vie professionnelle, amoureuse, privée. Le scénario dévoile les infos à un rythme très maîtrisé, et même les larges pans de la vie de Ukiyo qui restent inexpliqués surgissent là-dedans comme des surprises vraiment passionnantes (ce mari qui ne lâche pas sa mallette, très murakamien, ou ce voyou mafieux).

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Deuxième volet (Fuis-moi, je te suis), qui marque un changement de point de vue du masculin au féminin. Une goutte d'eau a fait déborder le vase, Tsuji se débarrasse avec perte et fracas de l'emprise d'Ukiyo, et reprend le cours de sa vie. On n'est pas dupe, il reste 2 heures. A la faveur d'un retour de la femme, voilà notre histoire d'amour toxique repartie sur les chapeaux de roue. Mais cette fois-ci, c'est Tsuji qui disparaît, qui se soustrait en quelque sorte à cette malédiction amoureuse. Ukiyo se lance à sa recherche, de façon obsessionnelle. On reste toujours pantois devant le pourquoi de cette histoire, platonique, sans grande déclaration, regardant simplement ces deux-là se fuir et se retrouver pour se re-fuir et se re-retrouver. Ce deuxième film est peut-être un peu moins inspiré, tirant en longueur parfois, d'autant que disparaît pendant un long moment le formidable acteur qui incarne Tsuji (Win Morisaki), et que Fukada est obligé de lâcher plus d'infos sur sa belle, et que le film y perd en mystère. Malgré tout on reste happé par le style presque fantastique, qui peut faire apparaître les "fantômes" au détour de la scène la plus réaliste (le retour du mari murakamien). Constamment surprenant, le film se met à notre hauteur, semblant découvrir en même temps que nous les rebondissements de sa trame. Voilà finalement un film (ou deux) qui traite subtilement du sentiment amoureux, avec ses malentendus, ses contre-temps, ses affres, et je pense que mon Shang saura retrouver là-dedans des émotions de sa vie sentimentale trépidante, comme je m'y suis retrouvé moi-même.

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