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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
19 septembre 2022

Nope de Jordan Peele - 2022

nope_movie_trailer

On attend désormais le nouveau Jordan Peele comme on attendait hier le nouveau Shyamalan, ou avant-hier le nouveau Spielberg, avec l'espoir d'un nouveau grand spectacle associé à une certaine intelligence formelle. C'est donc avec enthousiasme qu'il faut accueillir Nope, nouvelle preuve (un poil plus mégalo) qu'il faut désormais compter Peele parmi les grands metteurs en scène de l'angoisse. On met toutefois pas mal de temps à s'en convaincre cette fois-ci : à la sortie de la salle, j'étais passablement agacé par cette débauche de moyens, par cette intelligence très affichée, et par un scénario qui me semblait bien bordélique. Le film brasse plusieurs sujets très différents dans un certains chaos, et on a du mal à faire le lien entre eux en cours de vision, tant ce cinéma essaye par tous les moyens de vous impressionner coûte que coûte, et oblitère un peu toute votre capacité de jugement. Épuisé par la pyrotechnie, en quelque sorte par le grand savoir-faire de Peele à la mise en scène, mais un peu dans le doute concernant le fond du film, on sent bien qu'il cherche à nous dire un truc, mais le message se perd dans la profusion de sens et dans une réalisation hyper spectaculaire.

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Du côté de celle-ci, rien à dire pour autant : le gars est un vrai metteur en scène, et son film est puissant. En référence autant à Jaws qu'aux Oiseaux d'Hitchcock, accumulant les clins d'oeil au western autant qu'aux blockbusters des années 80, Peele utilise sa caméra en virtuose, jonglant avec les points de vue (et il y a même "celui de Dieu" que Hitch avait théorisé à l'époque des Oiseaux), utilisant le hors-champ et la suggestion en esthète, montant une bande-son de bruitages absolument parfaite. On ne cesse d'applaudir face à cette invention formelle de chaque instant, tellement rare dans le cinéma fantastique contemporain, qui montre un vrai cinéaste en pleine possession des moyens du cinéma quand il s'agit de manipuler son spectateur, de le faire rire, et surtout de l'effrayer. On peut préférer ses deux films précédents, plus sobres, moins prétentieux, et leur mise en scène subtile ; mais Nope est un grand spectacle haletant et fun, moins directement horrifique cette fois-ci, plus dans le merveilleux ou le fantastique mais tout aussi passionnant sur la forme.

Bande-annonce-du-film-NOPE-2022-Le-nouveau-cauchemar-pop-de

Comme je le disais, c'est plutôt sur le fond qu'on butte. Connaissant le bougre, on cherche à déceler dans cette histoire de regard qu'on lève vers l'ennemi une allégorie sur la condition des Noirs en Amérique, on tente de comprendre dans cette trame autour d'un OVNI mangeur d'hommes l'expression d'une contrainte politique, on cherche derrière cette seconde histoire de singe assassin une critique de la société du spectacle. Et il y sûrement tout ça, mis dans un désordre et une confusion un peu pénible. Qui trop embrasse... ll y a pourtant une piste que j'aime bien là-dedans. Si on se base sur la citation de départ (Je jetterai sur toi des impuretés, je t'avilirai, Et je te donnerai en spectacle."), le film prend une tournure mystique vraiment intéressante. Comme une variation autour du mythe de Sodome et Gomorrhe, où Loth est sauvé à la condition qu'il ne regarde pas son Dieu en face, Nope peut se lire comme un film moraliste, qui condamnerait les "impurs" à périr parce ce qu'ils ont offensé : ceux-ci, clairement désignés, constituent la société du spectacle dans ce qu'elle a de plus monstrueux (sitcoms à la con, shows spectaculaires, parcs d'attraction moisis, gros films commerciaux) ; ce sont eux qui devront mourir, avalés par ce monstre justicier. Et seront sauvés les purs, les tenants d'un Art à l'ancienne. Un peu manichéen, certes (et les acteurs poussés dans cette binarité sont d'ailleurs assez médiocres), mais efficace, et éclairant toutes les pistes du film d'un seul coup : ça permet à Peele de parler de la vie des Noirs, du spectacle, des origines du cinéma (on entend parler de Muybridge dans un film mainstream, c'est rare), de l'altérité, de l'héroïsme, le tout à travers ce beau fil rouge. Voilà qui sauve le scénario, même s'il reste trop confus, et voilà qui nous convainc, quelques jours après vision, que Nope est un objet intéressant et intelligent. (Gols 18/08/22)

Sans titre


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Il est clair que le gars Peele brasse, et pas que de l'air, dans ce film-hommage aux premiers temps du cinéma (de ce fameux cavalier noir dans ce montage animé pré-cinéma, à cette caméra qui marche à la manivelle et à ces photos prises d'un puits qui reconstituent une à une le fil(m) de cette conclusion apocalyptique) ; un homme digne de ce nom (Haywood / Hollywood : c'est clair ?) qui égratigne au passage, par le biais de ce "monstre des airs" spectaculaire, tous ces spectacles vides de sens, ces spectateurs creux (à l'image de ces marionnettes que l'on retrouve au bord des stades de foot - je ne parle pas que des supporters) qui regardent un show les yeux grand-ouverts et le cerveau grand-fermé. Oui la démonstration peut paraître parfois un petit peu fastidieuse, un peu chargée, même si l'on retrouve en fil rouge quelques jolies petites métaphores filées comme ces multiples carrés verts (en clin d’œil aux dollars roi ? sûrement) qui reviennent au cours du film : le fond vert du tournage (idée caraxienne), le rideau vert derrière lequel se cache le cheval au début du spectacle dans le parc d'attraction ou encore ces carrés de tissus verts qui se déploient quand le monstre montre, sur la toute fin, sa toute puissance. Oui, la thune, le "spectaculaire" sans fond ont fini par avoir raison de ces spectateurs qui regardent sans comprendre, sans recul et qui se font absorber comme des glands par cette machine audiovisuelle qui les digère en un temps record... Un peu de fond dans un blockbuster de cette ampleur, c'est toujours bon à prendre - cela devient tellement rare de ne pas prendre le spectateur pour un pauvre guignol décérébré... Après, j'avoue, je rejoindrai un peu Gols dans cette débauche de moyens un peu longuette, comme si Peele ne pouvait s'empêcher de ne pas faire un peu le malin au passage. Oui, c'est parfois impressionnant, ces cieux chargés de tonnerre, cette colère des dieux qui s'abat sur nos pauvres hères, à l'image de cette séquence de fin du monde et de ces trombes d'eau sanguinolentes qui engloutissent la demeure... De même Peele joue en effet beaucoup sur le hors-champ pour nous laisser constamment sur le qui-vive, nous faisant plus frissonner dans l'attente que véritablement bondir... Mais bon, on s'attendait quand même à un petit peu plus frémir en cours de route, avouons-le... Au final, un Nope qui nous fait forcément pousser un gros Oui de plaisir (la structure narrative est également assez chiadée, disons-le) mais qui nous aurait sans doute un peu plus emballé avec un peu plus d'épure dans le fond ou de surprises effroyablement scary dans la forme. Yep, hein, quand même.   (Shang - 19/09/22)

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