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10 juin 2022

LIVRE : Le Festin (The Feast) de Margaret Kennedy - 1950

010080994Ouiiiiii, y'en a qui disent Mitch par ci, Mitch par là... N'empêche que voilà une nouvelle petite suggestion littéraire tout à fait pertinente et qui a véritablement illuminé ma semaine. Juste, conseillerais-je à mon tour, ne lisez pas l'avant-propos (ce que d'habitude je ne fais jamais, je ne sais pas ce qui m'a pris) qui spoile une ou deux petites choses dans le final. Sinon, franchement, quel magnifique roman que cette chose purement anglaise, aussi bien au niveau de la truculence et de la profondeur des personnages, que par cette intrigue "catastrophiste" qui tourne au polar, que par ces petites annotations anodines sur la vie joliment pointues, que par cette écriture précise et ces dialogues parfaitement balancés. Kennedy mèle insolemment journal intime, lettre, chanson et narration classique et on plonge à chaque fois les deux pieds en avant dans chaque chapitre, dans chaque journée de cette semaine cruciale où chacun des personnages (une bonne vingtaine) a son existence et sa conscience propre. De troubles histoires de famille (cette mère qui n'aurait rien contre la mort soudaine de ses trois bambins, brrr), des histoires d'amour sur le déclin, d'autres naissantes, des adultes aigris et d'autres plus sages, des gamins turbulents mais aussi diablement matures, des rapports de classe, de la plainte facile, du regret, de l'espoir... Dans cette maison d'hôtes du bout du monde, perchée sur un rocher qui risque à tout moment de s'effondrer dans une indifférence quasi générale, on retrouve un petit condensé de cette société d'après-guerre. Kennedy, tout en jouant intelligemment avec son projet de départ (évoquer les sept péchers capitaux à travers ses personnages - chacun fera sa petite liste personnelle des personnes colériques, jalouses, lorgnant sur la luxure, gourmandes...), parvient à nous rendre aussi vivant que touchant chacun de ses personnages ; et chaque fois que l'on reprend sa lecture, on s'immerge immédiatement dans cette "communauté" un peu en circuit fermé où chacun tente de défendre son petit bout de gras...

On aurait rêvé qu'un Renoir tombe sur ce genre de bouquin pour en tirer un film absolument et forcément magnifique. On se passionne aussi bien pour ces chérubins border line, que pour ces petites gens à l'aube d'un premier amour, ces râleurs patentés ou encore ces personnes pleines d'empathie qui tentent peu à peu, tout simplement, de changer la vie des autres... Si les gamins, mine de rien, ont leur propre rôle à jouer, ne serait-ce que par la solidarité qu'il y a entre eux et qui devient presque un modèle pour ce petit monde d'adultes individualistes, certains personnages phares du roman ont une aura capable d'influer sur la trajectoire de ceux habités par le doute... Si les personnages "toxiques" sont omniprésents (l'homme de religion, la mère indigne, la mère recluse, la domestique casse-couilles...) et tentent de faire régner leur loi, d'autres forces s'opposent dans l'ombre et orientent malgré tout les personnes en demande... C'est un petit jeu constant qui se joue entre ces différentes forces en présence et l'on ne sait jusqu'au bout qui, des "innocents" ou des "chieurs" paieront le "prix fort". Une sorte de suspense (non pas à cause d'un crime mais concernant toutes les personnes de cette histoire) s'installe progressivement, laissant jusqu'au bout le doute sur les personnes qui s'en tireront, seront sauvées et celles qui iront droit dans le mur... Avouons aussi que la prose légère de Kennedy fait mouche ; sans jamais abuser des descriptions, des analyses psychologiques trop poussées, elle parvient à nous faire pénétrer tout en douceur dans ce monde anglais vintage et dans l'esprit de chacun. Un petit festin littéraire, c'est un peu facile, mais oui, allez, l'essentiel au-delà de cette petite chronique gentillette, étant de vous pousser à vous précipiter sur la chose. Superbe idée de réédition de la Table Ronde. 

Commentaires
M
Bien heureux que ce Festin vous ait régalé, old sport ! Etonnant que cette Margaret Kennedy soit passée si longtemps sous les radars, après guerre. <br /> <br /> <br /> <br /> A noter : la traduction de Denise Van Moppès (c'est à cause d'elle que j'ai acheté le bouquin) a été "révisée". <br /> <br /> Le nom du "réviseur(se)" n'est pourtant pas mentionné. Je subodore des problèmes entre éditeur et ayants-droits de la version française, vu que la Madame Denise originelle, elle a cassé définitivement sa machine à écrire en 68, d'après le site de la BNF.<br /> <br /> <br /> <br /> Bref, je pencherais assez pour une réviseuse, probablement cette Leîla Colombier, traductrice de la préface-qu'il-ne-faut-pas-lire-avant. Son nom est signalé très très discrètement, comme s'il ne fallait pas froisser quelques susceptibilités... Elle a fait du bon boulot, la bougresse. <br /> <br /> Car mon affection pour Denise van Moppès, traductrice émérite de Daphné Du Maurier, (dont l'inénarrable Rebecca) ne m'empêche pas de lui trouver un style souvent guirlandeux, voire étouffe-péquin. <br /> <br /> <br /> <br /> NB : Je lis les préfaces et les avant-propos uniquement si ça ne cause pas du livre... Ouais. Fortiche, je sais. Faut survoler. Lire sans lire. Et quand ton oeil survole des trucs du genre : "... et lorsque Marie-Micheline ouvre la porte et qu'elle...", ou bien "Gaston pouvait-il savoir que Cunégonde allait...", là stop, tu sais qu'il faut fermer les écoutilles.<br /> <br /> <br /> <br /> Par contre, une fois le roman terminé, me suis relu le 1er chapitre (ou prologue). Histoire de voir si, et comment, la Kennedy y avait glissé de ces petits trucs qu'on ne peut pas voir à une première lecture d'un début. <br /> <br /> La rouée... C'en est plein !
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