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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
15 septembre 2022

Les Passagers de la Nuit de Mikhaël Hers - 2022

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La vie étant un éternel recommencement, je sors du dernier film de Mikhaël Hers dans le même état que pour ses films précédents : je les trouve souvent très beaux, émouvants, bien faits, mais... je m'y sens extérieur, et si émotion il y a, elle me reste intellectuelle, cérébrale, jamais directe. Les Passagers de la nuit est un de ses plus beaux films, aucun doute, même si on peut trouver que le sujet manque un peu de matière, d'importance, de nécessité : c'est le portrait d'une femme, à travers les petits chocs, les petits drames, les petites joies de sa vie familiale et professionnelle, dans la France pleine d'espoir des années 80. Rien que de très banal, le mari qui s'en va, l'ado de fils qui déconne un peu, l'aînée qui s'éloigne, les soucis financiers qui poussent à trouver un taff ; seuls deux événements vont vraiment réveiller cette femme trop timide, trop renfermée, trop peu sûre d'elle : le poste qu'elle trouve dans une émission de radio nocturne, un de ces trucs à la Macha Béranger où on donne la parole à des esseulés de la nuit ; et la rencontre avec une SDF en déroute, qu’Élisabeth va héberger et bientôt considérer comme faisant partie de la famille (au grand plaisir du fils, qui en pince pour la belle). Ces deux petites révolutions dans sa vie vont pousser notre cinquantenaire un peu passive à se secouer l'échine et à enfin devenir celle qu'elle a toujours été sans le savoir. Le tout est accompagné de ces chansons sentimentales qui ont bercé notre enfance, dans un portrait assez touchant d'une époque humaine qui a disparu depuis.

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C'est Charlotte Gainsbourg qui joue Elisabeth ; inutile donc de vous dire que, niveau mélancolie et émotion, il n'en faut pas beaucoup pour nous faire verser notre larme plus souvent qu'à notre tour. Charlotte, c'est les années 80 à elle seule, et la voir aujourd'hui dans son corps vieillissant, avec cette voix et ce sourire reconnaissable entre mille, travaillant justement sur cette métamorphose entre la femme timide et la femme émancipée, suffit au plaisir du film. Elle est magnifique, touchante, juste, et Hers a l'intelligence de laisser tourner la plupart du temps sa caméra pour enregistrer ses petites inflexions subtiles, sans en faire plus. Il a aussi l'intelligence de lui adjoindre une bande de comédiens tout à fait judicieuse. A l'exception d'Emmanuelle Béart, vraiment too much en animatrice radio psycho-rigide et très masculine, la reste de la bande est parfait, du fils (Quito Rayon), téchinéen en diable, à la petite Noée Abita, ses yeux noirs et ses mines d'oiseau tombé du nid trop tôt. Ils forment une famille soudée et crédible, en proie parfois aux doutes, sûrement un peu déclavetée par certains aspects, mais capable d'envoyer du lourd en matière d'émotion : une chanson de Joe Dassin, un montage subtil, une excellente gestion du temps, et on obtient une scène toute simple et directe qui vous va droit au cœur.

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On tique un peu sur la première scène de dialogue (découpée au plus rapide (une demi-seconde par plan)), en se disant que Hers cède à la facilité ; on tique un peu à la fin, en constatant qu'il ne sait pas finir son film, ménageant 30 fins possibles ; on tique même parfois au milieu, quand certaines scènes font piétiner le scénario, quand le réalisateur se montre incapable de couper les scènes inutiles (cette petite histoire avec Laurent Poitrenaux, ces incessantes allées et venues de la petite SDF) ; mais malgré ces scories, on apprécie beaucoup ce ton mélancolique parfaitement géré. Hers réussit à recréer quelque chose des années 80 sans en faire trop, ici en citant un film chéri (Les Nuits de la pleine lune ou Un Monde sans pitié), là en sortant un objet symbolique de l'époque (ces réveils à la sonnerie criarde, un walkman), mais aussi en nous plongeant concrètement dans cette époque : on a l'impression d'un film réalisé dans ces années-là. Mine de rien, le film nous fait aussi retrouver un Paris perdu (plus que Rohmer, le film se met sous l'égide de Rivette, dont on aperçoit ce me semble le portrait dans un métro, et dont on voit un extrait du Pont du Nord), toute une époque dont on a oublié combien elle était éprouvante (l'explosion de la drogue, du SIDA, de la pauvreté, du capitalisme sans frein) mais aussi touchante (avant le portable, les enfants). Tout ça reste un peu trop psychologique pour moi, malgré tout ça, et j'ai contemplé ce film satisfait, mais avec une distance polie. Pour plus de passion, donc, veuillez voir ailleurs (mon gars Shang, peut-être ?) (Gols 17/05/22)


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Le gars Shang qui sort donc de sa réserve (et de son cagibi) et qui a la vue de ce film de Hers... ne s'emballera pour une fois pas forcément bien plus que l'ami Gols... L'impression générale ressentie à la vision de la chose ? L'impression d'un film ouaté... Un film qui sortirait en effet de la ouate (je n'ai pas dit de la naphtaline, hein) avec ces images "d'archives", "d'époque" des années 80, au format réduit, avec cette voix d'outre-tombe, cette Macha androgyne incarnée par une Béart qui semble indéfiniment s'être perdue, pauvre Manon, non pas dans sa source mais au cours d'une danse des canards infernale, ou encore cette Charlotte Gainsbourg mythique que je trouve pour ma part de plus en plus juste, de plus en plus impressionnante dans ces personnages effacés auxquels elle donne une âme, une épaisseur, une profondeur terrible. Oui, il s'agit bien là, à tout prendre, d'un beau portrait de femme, affreusement perdue lorsqu'elle se fait lourder, lorsqu'elle se doit de travailler, mais qui va, à la force du poignet, avec sa gentillesse, son sens de l'empathie, sa dévotion, se reconstruire une belle identité... Le film, disais-je, est ouaté, en raison sans doute de ce sentiment de gentillesse qui le traverse : Gainsbourg est gentille avec ses enfants qui grandissent, même quand ils sont un peu border line, est gentille avec cette petite paumée qu'elle ne peut s'empêcher de prendre sous son aile, est gentille avec sa patronne un peu revêche, est gentille avec les types qui la draguent, même quand ils sont pathétiques, elle est tellement gentille qu'on aimerait l'avoir comme amie, toujours à portée de main, dès qu'on a son petit coeur qui saigne... C'est vrai que le film baigne dans une certaine candeur naïve (l'amourette entre le fils et cette pépette au regard plus noir qu'une nuit sans Godard) qui calme en un sens les nerfs mais qui endort aussi un peu comme une douce berceuse... On prend plaisir à suivre les petits moments d'émotion de cette famille qui, malgré les aléas de la vie, se retrouve toujours très unie, mais on peine aussi un peu à vraiment vibrer tant la chose prend des allures parfois de pâte molle... Un bon moment que ce temps passé avec ces passagers mais une nuit qui apparaît aussi un peu trop apaisée, un peu trop tranquille, un peu plate. BEEELLL-eu nuit, DOUUUC-eu...   (Shang - 15/09/22)

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