SERIE : Clickbait de Tony Ayres and Christian White - 2021

Bah un petit polar à tiroirs de temps en temps n'est pas pour nuire, et on peut aussi de temps en temps se laisser entrainer sur les simples routes du suspense facile, même si on est quand même loin du chef d’œuvre. Clickbait est une série sans conséquence, qui s'oublie au fur et à mesure de son déroulé, mais qui remplit parfaitement son rôle durant les quelques heures que dure son visionnage : on a foutrement envie de savoir qui a bien pu enlever et assassiner ce pauvre Nick Brewer, brave prof sans histoire devenu soudainement la cible des clics et des commentaires. Du jour au lendemain notre homme se retrouve en effet ligoté et jeté en pâture en vidéo sur internet, portant un panneau : "J'ai tué une femme. A cinq millions de vues, je meurs". Stupeur de tous, sa sœur, sa femme, ses enfants, ses collègues de bureau, les flics... et les anonymes qui se jettent avidement sur cette vidéo, faisant monter le nombre de vues de manières inquiétante. Jusqu'à ce que le chiffre fatidique soit atteint, et qu'on retrouve ce brave Nick le crâne défoncé. Dès lors, la partie polar démarre, avec son lot de fausses pistes, de méchants finalement pas si méchants, de gentils finalement un peu méchants, enquête cossue menée conjointement par tous les proches de Nick qui découvrent peu à peu des vérités troubles sur notre mari parfait. On ouvre un paquet de Curly et on suit pépère ce récit pas avare en rebondissements en coups de sang, intéressé par la structure de la narration (chaque épisode épouse le point de vue d'un des protagonistes), amusé par ces scénaristes qui arrivent à nous retourner comme des crêpes et à nous laisser au bout du compte avec des idées complètement inverses sur les personnages que celles qu'on avait au début.

On s'attend à une critique en règle des réseaux sociaux, et on se frotte les mains qu'une série affronte enfin la question des "putaclics" et joue sur les dangers du numérique. Malheureusement on déchantera vite : au bout de deux épisodes, on laisse tomber le truc et on se range gentiment dans le rang des trames à suspense habituelles. Les auteurs sont pour le coup peut-être passés à côté de quelque chose. Même si le film utilise tout ce qu'il peut en termes d'applications, de logiciels et de gadgets informatiques (ça va du site de rencontres à un machin de recherche géolocalisée, des sms au trucage de photos), il n'arrive pas à trouver le ton juste pour parler de notre monde connecté rendu dangereux par la rapidité des informations. On y perd en fond, mais pas en rebondissements, et c'est vrai qu'il est agréable de se faire balader ainsi, d'être persuadé d'avoir enfin mis la main sur le vrai coupable avant d'être démenti avec perte et fracas à l'épisode suivant, jusqu'à ce qu'enfin le pot aux roses soit dévoilé, et que celui (ou celle) qu'on n'attendait pas passe aux aveux. C'est bien fait, bien tenu au niveau des personnages, même si les acteurs qui les campent se contentent du minimum syndical : la sœur hystérique et obstinée, la femme "mater dolorosa" et digne, l'ado buté en révolte, le flic concentré et trop sérieux... Mais la trame, le contexte et les personnages sont suffisamment intéressants pour qu'on ferme les yeux sur les défauts de jeu, et on vous conseillera donc cette petite série sans conséquence à déguster en apéro.