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2 mars 2021

SERIE : Jinx (The Jinx : The Life and Deaths of Robert Durst) d'Andrew Jarecki - 2015

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Robert Durst est un mec qui joue de malchance. Jugez plutôt : sa femme disparaît au moment où le torchon brûle entre eux ; puis sa meilleure amie est assassinée au moment où elle allait devoir balancer quelques vérités sur l'affaire ; puis son voisin est dépecé alors qu'il a des informations sur lui ; et à chaque fois, juré craché, notre Robert est innocent, c'est pas lui, il ne faisait que passer. Comment ? S'il a découpé son voisin en tranches ? Oui, bon, peut-être mais c'est juste qu'il a ripé, on ne va pas le condamner pour ça quand même. Pas de chance, on vous dit. Pour le prouver, Jarecki entreprend cette série documentaire absolument glaçante, s'attaquant dont au cas pendable de ce gars, riche héritier d'une famille d'industriels, véritable secret ambulant, de toute évidence multi-meurtrier mais qui arrive à passer systématiquement entre les mailles du filet de la justice. En 6 épisodes, il raconte le cas-Durst, effaré devant les aventures grotesquo-glaçantes du gars. Il obtient même une interview du type, interview qui sera le fil rouge de la série : Durst, impassible, ayant appris de tout temps à cacher ses émotions, froid comme la glace, s'y défend et retrace ses équipées effarantes pour échapper à la justice : sa fuite déguisé en femme, ses arrestations (dont une pour avoir volé un sandwich alors qu'il est recherché par toutes les polices), ses alibis en mousse, ses incompréhensions feintes devant les béances de l'enquête... Entre les entretiens avec le bougre, le film développe cette histoire effarante à grands coups d'archives, de témoignages des proches, et de coups de théâtre soigneusement disposés en fin d'épisodes pour vous inciter à voir la suite.

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Autant dire qu'on est un peu agacé par la mise en scène de Jarecki. Si cette histoire n'était pas aussi incroyable, aussi chargée en coups de théâtre et en retournements improbables, on aurait vite décroché devant ce dispositif de petit malin. Jarecki, réalisateur de All Good Things, un film qui reposait déjà sur cette affaire, décroche la timbale avec cette interview ; il affiche donc dès le départ un petit air satisfait qui énerve. Son film s'en ressent, roublard, spectaculaire quand il le faut, mais ressemblant finalement plus à un Faites entrer l'accusé friqué qu'à une vraie réflexion sur le personnage. La réalisation, à l'américaine, rivalise de plans balancés comme des flashs, de musiques remplies de percussions anxiogènes, de reconstitutions cheap (la fille assassinée qui tombe au ralenti sur la moquette, comme si on était trop cons pour imaginer ce que ça fait de se ramasser une balle dans la tête), de voix off glaciales et de témoignages grandiloquents (et souvent redondants avec la narration en off). On a l'impression d'être enfermé dans un long reportage pour les JT flippants des chaînes d'info, et Jarecki, convaincu d'avoir un scoop, prend trop de temps pour développer sa trame. Le premier épisode, notamment, est volontairement embrouillé, résumant rapidement l'affaire pour mieux y revenir ensuite : 45 minutes inutiles dans le plan d'ensemble. Bref : beaucoup de bruit (mais beaucoup), beaucoup d'annonces tonitruantes et de coups de théâtre pas toujours très pertinents, comme si cette histoire avait besoin de ça pour être palpitante.

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Mais malgré la forme, on reste accroché à ce personnage bigger than life et à sa façon proprement machiavélique d'aborder ses aventures. Le personnage est hyper mystérieux, opaque même, et la grande qualité du film est de nous le montrer face à ses contradictions, confronté aux horreurs qu'il de toute évidence commises, en gros plan, pour étudier ses réactions. Il reste inflexible, intraitable, avec sa voix posée et ses yeux de glace, et s'amuse comme un chat avec une souris des questions et des absurdités de l'enquête. Véritable nid de névroses, de frustrations, de psychoses, Durst, mégalomane persuadé de son impunité, se découvre là dans tout son mystère, et c'est assez pour fasciner dans cette série. Autre sujet de fascination : sa façon de s'en sortir, toujours, grâce à des méthodes souvent improbables, grâce à des coups de bol (et à son fric, aussi), son destin est hallucinant. Son impunité semble acquise... jusqu'au dernier épisode, pour le coup sidérant, qui renverse enfin la vapeur : on y est tendus, anxieux de savoir comment Jarecki va négocier ce coup de théâtre final qui pourrait bien anéantir le gars, et avec lui les rapports de confiance qu'ils ont tissés ensemble. La toute fin de la série est super inattendue (sans rien dévoiler, Durst vacille enfin pendant quelques secondes, et son corps semble se relâcher en même temps que lui) et on se dit à ce moment là que le réalisateur a bien fait de faire son malin si c'était pour arriver à ce point culminant de son récit. Au final, un film bien bluffant.

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