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14 juillet 2020

Adjustment and Work de Frederick Wiseman - 1986

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Troisième volet de la série consacrée aux sourds et aux aveugles, Adjustment and Work quitte un peu les murs des institutions spécialisées pour s'ouvrir sur l'extérieur : une fois les bases de la communication et de la sociabilité acquises, une fois que nos gusses savent lire en braille ou comprendre la langue des signes, que faire d'eux ? Comment les inclure dans la société, leur donner du travail ? C'est le sujet du film, qui s'intéresse à l'apprentissage professionnel dans plusieurs domaines : mécanique auto, couture, cuisine, usinage, etc. Sans jamais tomber dans l'angélisme, Wiseman montre les difficultés et les succès de la chose, regardant patiemment les apprentis acquérir des gestes techniques, se débrouiller seuls dans la rue ou sur une chaîne de montage, acquérir en fait une autonomie. Fait donc assez nouveau dans le cinéma du bougre : le voilà dehors, les rapports entre l'intérieur (filmé dans les deux premiers épisodes, Deaf et Blind), et l'extérieur sont l'essence même du film. Très longues séquences qui enregistrent en nous les faisant littéralement éprouver les difficultés insensées auxquelles se confrontent les aveugles, en particulier : comment traverser la rue, comment apprendre à piquer une aiguille, comment distinguer le câble noir avec un liseré rouge du moteur de celui rouge avec des bandes bleues de l'alternateur ? Il y a encore une fois de formidables scènes, notamment celle où un instructeur enseigne patiemment à un gars à traverser la rue, à sillonner le quartier : comme on regardait bouche bée un bambin traverser un bâtiment dans l'opus précédent, on regarde ici un adulte appréhender un univers pas du tout adapté à lui, en anticipant avec lui les obstacles,en ayant peur de la chute. Petit détail qui change tout dans cette très longe séquence : Wiseman est souvent en avance sur l'aveugle, alors qu'il le suivait auparavant. Signe que le cinéaste lui fait confiance, anticipe son succès. Le film est ainsi très positif, presque optimiste sur l'insertion des handicapés dans le monde normal. Toute la partie finale, où on voit les gens travailler avec précision à la fabrication d'un balai ou d'un revers de chemise est magnifique : on ne distingue plus vraiment les aveugles des autres, le handicap est comme aboli, et ne serait cette solitude qui semble les habiter (une fille qui parle toute seule, des gens qui mangent isolés des autres), on pourrait croire que l'insertion est totalement réussie.

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Ça n'a pas été sans mal pour autant, et Wiseman ne se prive pas également de montrer les difficultés, voire les échecs de certains cas. Une fille qui butte complètement sur un problème de calcul destiné à lui apprendre à rendre la monnaie, une autre qui s'énerve sur une calculatrice parlante, un type pris en flagrant délit de paresse par son patron, un garçon qui doit revoir ses ambitions professionnelles à la baisse suite à son handicap, tout n'est pas rose, et le boulot qui reste à abattre semble énorme. Mais finalement ces problèmes ne semblent dire qu'une chose : les aveugles, les sourds, sont avant tout des gens, avec leurs soucis, leurs manques, leurs caractères, et c'est bien toute la qualité du film que de les considérer comme tels (parfois malgré eux). Il suffit parfois que la caméra enregistre un sourire radieux quand une femme finit par trouver la fontaine à eau, ou de beaux gestes de solidarité et d'entraide, pour qu'on oublie quelques temps ces problèmes qui semblent insondables, et on applaudit la bienveillance de Wiseman en même temps que son objectivité face à ce monde étrange, refermé sur lui-même sûrement, mais qui s'ouvre peu à peu vers l'extérieur. Intéressant et touchant.

tout Wiseman : clique

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