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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
3 février 2021

La Femme qui s'est enfuie (Domangchin yeoja) (2020) de Hong Sang-soo

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On retrouve avec un plaisir non feint l'ami Hong tout auréolé de son ours berlinois du meilleur réalisateur. Un film, c'est le moins qu'on puisse dire, de femmes entre elles, découpé façon triptyque : trois montagnes, trois rencontres féminines, trois hommes qui se font bouler. Un film qui déroule son charme en douceur, sans excès, sans éclats mais où l'on sent en permanence un certain questionnement très féminin sur la vie, les hommes - et pas forcément féministe, ce qui ne gâche rien. On suit donc les pas de la douce Kim Min-hee (as Gam-hee), qui, profitant de l'absence de son mari parti pour le business, va rendre visite à deux de ses amis avant de tomber, presque par hasard, sur la compagne de son ex. Des discussions sur l'amour (Gam-hee vient de passer cinq ans en continu avec son mari : elle s'interroge sur ce qu'est l'amour au quotidien, sur ce qu'est aimer, tout en profitant pleinement de ses discussions avec ses femmes "libres" pour ne pas dire "libérées"), sur la nature, les bêtes (elle bouffe de la viande à foison tout en se questionnant sur le fait de devenir végétarien), ou encore sur un certain équilibre à trouver. Elle trouve en ces trois femmes qu'elle côtoie des partenaires de choix qui lui parle en toute franchise : l'une, divorcée, vit dorénavant avec une amie (...), la deuxième, entre deux âges, flirte avec des artistes et la troisième parle en toute sincérité de ce qui la déçoit chez son mari artiste. Les hommes, c'est le moins qu'on puisse dire ne sont pas à la fête : qu'il s'agisse de ce voisin qui se plaint de la présence des chats (il va voir l’amie de la première amie (c’est très romherien tout ça) de Gam-hee pour lui demander d'arrêter de les nourrir car les chats font peur à sa femme ;  l’amie, petite mais sure de son fait, ne cède en rien face à la dialectique du gars - saluons au passage l'interprétation fantastique du chat qui méritait aussi son ours) ou de ce jeune poète qui se fait copieusement éconduire par sa deuxième amie, on ne peut pas dire que les hommes soient particulièrement à leur avantage. Gam-hee, face à son ex qu’elle croise quelques minutes, est d'ailleurs dégoûtée très vite par ses propos (il en prend pour son grade, cet artiste qui répète toujours les mêmes choses à la télévision - une auto-critique de l'ironique Hong ?). Quant au titre lui-même, il pourrait renvoyer à cette femme qui s'est fait la malle, disparaissant, abandonnant son mari et sa fille (dans la toute première partie du film).

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Des femmes qui discutaillent de façon posée et un Hong qui maîtrise à la perfection ce rythme de plans-séquences, avec toujours, ici ou là, un petit zoom sur un individu ou un objet. Il joue également avec une belle subtilité sur les caméras de surveillance, pannotant sur les écrans de ses caméras pour montrer que rien n'échappe à Gam-hee lors de ses visites (lors de l'épisode "1", la scène muette au cours de laquelle on voit son amie réconforter la fille dont la mère s'est barrée ; lors de l'épisode "2" lorsque Gam-hee assiste de l'intérieur de l'appart à la remise en place du poète par son amie). On sent que Gam-hee s'interroge sur elle-même, sur sa façon de vivre avec son homme : elle se trouve à chaque fois, lors de ces échanges, face à des femmes qui exprime un angle de vue différent, face à des femmes qui vivent leur vie en toute simplicité sans être particulièrement dépendantes des hommes ("ah les hommes coréens !" dit la deuxième amie sur un ton plaintif). Une petite parenthèse dans sa vie, une petite balade amicale, qui permet à Gam-hee, tout en parlant de tout et de rien, de découvrir d'autres alternatives à sa propre façon de vivre. On sent un Hong dans ses petits souliers, rendant ici pleinement hommage à ces femmes qui ont su trouver leur voie par elles-mêmes. Lorsque Gam-hee retourne sur la fin dans cette salle de cinéma, c'est comme pour porter un autre regard, plein de sagesse, sur le propre film de sa vie. Gam-hee, par ces trois rencontres, a comme gagné en sérénité, en certitude, en plénitude. Film tout en subtilité de Hong qui prouve que le male gaze peut rejoindre le female one.   (Shang - 09/07/20)

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Moi aussi sous le charme de ce petit film épuré, tellement fragile qu'il semble dans un premier temps ne reposer sur rien du tout. Cette première scène très longue de dialogue quotidien entre deux, puis trois femmes, laisse un peu perplexe dans un premier temps, avant qu'on se rende compte insidieusement que finalement beaucoup de choses y sont montrées, sinon dites. Qui est cette amie discrète qui vient rejoindre le duo central ? Nos héroïnes parviendront-elles à tenir tête au voisin qui veut faire disparaître leurs chats ? Derrière ces conversation anodines, nos femmes ne cachent-elles pas des pensées bien amères sur le couple, l'amour, les hommes ? La grande qualité du film, c'est de nous laisser imaginer les choses, et de nous laisser tout le temps pour ça : pas dérangé par un montage intempestif ou par des mouvements de caméras inutiles, notre esprit a tout loisir de scruter très précisément cette poignée de personnages, d'extrapoler, de découvrir derrière telle posture, telle phrase, des abîmes. On se fait peu à peu à ce film taiseux malgré les longs dialogues et peu démonstratif malgré la richesse de ce qui est raconté, et on plonge avec délice dans le charme unique de ces plans radicaux et de ce dispositif très mathématique : pas de champs / contre-champs, du plan-séquence, les homes toujours filmés de trois-quart dos, trois parties strictement séparés par un plan général et une musique maigrichonne : c'est raide, mais ça n'enlève en rien l'émotion de la chose. Mais celle-ci surgit par la bande, comme dans ces scènes très touchantes où Kim retrouve par hasard la femme qui lui a piqué son homme il y a des années, puis l'homme lui-même : un modèle de sobriété, et la mélancolie monte peu à peu, avec d'autant plus de force qu'elle n'est pas annoncée avec moult tambours. Et au final, le film, mais oui, dessine une douce carte de l'état de la femme dans la Corée d'aujourd'hui, là aussi sans fracas et sans poing levé, en montrant simplement des femmes ensemble, qui s'opposent à des hommes. Un bien beau film subtil et élégant pour parler des choses éternelles que sont l'amour, le couple, le mariage, la liberté et les chats.   (Gols - 03/02/21)

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Tout Hong

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