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12 février 2019

L'Empire de la Perfection (2018) de Julien Faraut

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Dans les années 80, une seule question se posait vraiment : êtes-vous plutôt Connors ou McEnroe ? Moi, j'étais McEnroe, sans aucun doute, prenant un certain plaisir vicieux à voir cette grosse tête de poupon ricain gueuler à tout va dès qu'il n'était pas d'accord avec l'arbitre. Ça tuait un peu l'ambiance, je ne dis pas, mais on sentait chez le gars une telle dose de mauvaise foi inépuisable qu'on ne pouvait que le soutenir. Fauraut filme notre homme sous tous les angles, ou plutôt pille le taff et les bobines de Gil de Kermadec pour nous montrer ce tennisman mythique sous toutes les coutures. Le film, d'ailleurs, disons-le tout de go, n'est pas avare en parallèle cinématographique puisque le cinéaste nous gratifie d'entrée de jeu d'une citation de Godard ("Le cinéma ment, pas le sport" Et boum !), évoque des articles de Serge Daney sur le tennis, parle de l'acteur d'Amadeus s'inspirant de John Mc et puis… on a même droit à Mathieu Amalric aux commentaires - c'est quand même une autre pointure que Lionel Chamoulaud... De cinéma, il est donc question, surtout dans ce dispositif unique mis en place par le fameux Gil pour n'avoir à l'écran que notre John - on suit ainsi notre héros dans une sorte de partie de squash contre lui-même,  comme si son plus grand ennemi, finalement, était son caractère... Le doc revient en long et en large sur ces scènes de contestation du joueur, y allant de son lot d’analyses psychologiques voire psycho-analytique ou simplement sportives... John Mc semblait souvent en colère contre le reste du monde (l'arbitre au départ, évidemment, mais aussi bientôt ses assesseurs, venaient ensuite les journalistes et puis enfin, forcément, tout le public qui le sifflait outrageusement) et tirait une sorte de force ultime de ce challenge en solo... Quand d'autres joueurs (tous les Français, hein, si on veut faire court - oh ne me regardez pas comme ça, j'en connais un rayon dans le domaine...) auraient perdu tout leur moyen à la moindre petite contestation, John, lui, trouvait dans ce processus une sorte de gnaque surhumaine. Et puis sans engueulade, la victoire eut été forcément moins belle...

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Faraut évoque en passant l'hypersensibilité du joueur qui, vivant son tennis à fleur de peau, ne pouvait qu'être irrité lorsque son oreille était égratignée par le bruit d'une caméra ou lorsqu'un micro rentrait un peu trop dans son champ visuel... Un être, tennistiquement si sensible, que la moindre chose pouvait le contrarier. Il est aussi question de la pression terrible que se mettait le tennisman, un type si exigeant, tellement à la recherche de la perfection dans ses gestes, qu'il était difficile pour lui d'admettre d'être jugé par des clampins, par des indécis, par des rois de la boulette... Ses coups de gueule étaient comme intégrés à son style : si on appréciait ce tennis rageur, ces services au cordeau, ces montées au filet fulgurantes, on ne pouvait cracher sur toutes ces montées dans le tour de notre homme pour qui chaque erreur d'arbitrage était une horreur. Le doc s'attaque pour le coup très très longuement sur cet aspect et finalement, proportionnellement, beaucoup moins sur sa technique ou sa stratégie - comme si le mythe du gueulard avait finalement pris le pas sur celui du champion capable de détruire en un temps record ses adversaires. Le film, dans sa dernière partie, laisse tout de même la place à une finale culte à Rolland-Garros entre Lendl (l'homme qui a tué le jaquard) et notre John Mc - un match au couteau et une défaite terrible pour notre héros (finalement proche de la perfection mais que proche...). Un doc à la gloire de notre sportif râleur qui tente (avec plus au moins de finesse) d'en faire un spectacle cinématographique à part entière. De bonnes réflexions au passage mais un peu trop d'insistance sur les agacements (nombreux) de l'homme par rapport à ses dons tennistiques. 

Commentaires
S
Oui, cela m'a titillé en découvrant la filmo du gars... Pour sûr qu'un jour je tomberai sur ce doc méta-markerien.
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C
Pas vu ce film mais à venir. En revanche, vu "Regards neufs sur Olympia 52" du même réalisateur (Tamasa), très belle étude sur le premier film de Chris Marker (sur le sport, encore).
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