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3 octobre 2017

LIVRE : Made in China de Jean-Philippe Toussaint - 2017

"Je refermai mon carnet, et je songeai que ce Journal du tournage de The Honey Dress que j'envisageai d'écrire pourrait bien être, à l'arrivée, une sorte de Fuir, le roman que j'ai écrit qui se passe en Chine, pour la plongée opérée dans la Chine contemporaine, avec l'évocation de ses décors urbains, de ses ambiances et de ses odeurs vénéneuses de chou rance et de chaleur humide, mais un Fuir sans intrigue, sans arrière-plan romanesque, un Fuir où ne subsisterait que l'aspect documentaire de la Chine d'aujourd'hui, la simple chronique quotidienne d'un tournage, avec l'évocation de ces journées paradoxales que j'étais en train de vivre, à la fois si intenses quand on les expérimente de l'intérieur, et si pauvres d'un point de vue romanesque, ces journées insignifiantes, et pourtant riches d'imprévus, de joies éphémères, d'échecs mineurs, de difficultés dérisoires et d'émotions fugaces. La vie, quoi".

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Relativement alléché par ce retour de l'ami Toussaint en Chine, je plaçais la barre assez haut avant la lecture du dit ouvrage. Comme ces lignes ci-dessus le résument bien, Toussaint veut s'employer à capter l'atmosphère chinoise, sans chercher à pimenter la chose avec des quelconques éléments romanesques. Il mêle ainsi ses différents voyages en Chine depuis plus d'une dizaine d'années, tresse un portrait de son éditeur chinois (Chen Tong), fidèle parmi les fidèles pour traduire ses œuvres et produire ses courts-métrages, développe quelques petites pensées sur le rôle du hasard (dans la vie quotidienne ou lors du processus  créatif) et évoque la préparation de sa dernière œuvre filmée The Honey Dress (vu dans la foulée et chroniqué just after). Toussaint, tel un voyageur sans bagages qui se laisse porter par les événements, décrit aussi bien le zèle de Chen (et de ses collaborateurs) pour s'occuper de lui que ses impressions sur les micro-aventures qui lui arrivent au quotidien. Bien. Si l'on arrive assez facilement à comprendre le plaisir qu'il a à se perdre dans cet environnement où tout lui échappe (et où il prend plaisir à être "pris en main", supporté, soutenu par son mécène), si l'on a aucun mal à imaginer ses hôtels locaux vieillots et pathétiques, ou encore ses nombreux quiproquos, on reste un peu sur sa faim au point de vue du fond ou de la forme. On voit bien que notre homme, à partir de simples carnets, tresse un récit proche de la vérité (même s'il se plaît à dire ici ou là que certains passages sont insidieusement romancés – ok but ?), comme s'il tentait de traduire ses seules impressions sur ce pays hors-norme, sans gras, sans filtre, sans qu'il ne soit besoin d'en rajouter. Soit. Mais ses phrases, relativement fluides, le plus souvent sur des éléments purement factuelles, manquent du coup de cette patine toussaintesque que l'on aime/ait tant... Un peu comme s'il écrivait au fil de la plume (même si la genèse de cette œuvre s'est étalée sur trois ans) sans chercher à retravailler ses phrases, voire à approfondir ses petites mésaventures artistiques dans l'Empire du Milieu. L'ouvrage se lit assez plaisamment, certes, mais on glisse un peu sur ces phrases trop lisses, sur ces descriptions sans sel. On sent que Toussaint veut rendre hommage à cet homme taiseux qui le suit et lui fait confiance depuis des années (sans comprendre toujours les intentions de l'écrivain-réalisateur), à cette Chine qu'il affectionne (malgré ses défauts prégnants) mais l'ouvrage, sans réelle aspérité, a bien du mal à vraiment nous toucher - et Dieu sait qu'après huit ans passés en Chine on eut aimé plus, ne serait-ce que par pure nostalgie fade, s'émouvoir. Un ouvrage qui, au final, livre quelques clés sur les liens entre l'auteur et ce pays qui le fascine mais qui manque un peu de saveur tant au niveau du style que de la profondeur de l’analyse.

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