LIVRE : Une très légère Oscillation de Sylvain Tesson - 2017

Journal de bord d'un type d'aujourd'hui, à la fois complètement impliqué dans le monde qui l'entoure et légèrement en retrait : Tesson est le grand voyageur qu'on connaît, celui qui se soustrait au chaos à intervalles réguliers, et il sait prendre l'air quand la merde ambiante le nécessite. Handicapé cette fois par un accident qui l'a laissé tout cabossé, le bougre est contraint de rester plus souvent immobile, et il en profite pour jeter sur notre bonne vieille société un regard désabusé et amer. Rien de renversant dans ce journal tenu au fil de la plume, au gré des infos et des soubresauts du monde : les attentats, Poutine, la montée de Trump, Daech, la politique française, tout est soigneusement noté et commenté, avec une écriture parfois attachante, parfois un peu trop alambiquée, comme si le gars voulait vraiment "faire écrivain" alors qu'on ne lui demande que d'être pertinant ou amusant. On a l'impression d'un gars proche de nous, d'un copain de comptoir même parfois, mais qui se piquerait de faire de la littérature. Ça donne des pages plutôt jolies, mais de temps en temps un peu boursouflées ou inutiles. Bref : le gars est bien meilleur quand il observe simplement les choses, lors de ses voyages à l'autre bout du monde qu'il enquille façon chapelet. Loin de l'actualité française, il est modeste, regarde la nature en esthète, et fait preuve d'une acuité, d'une intelligence et d'une compréhension des paysages qui ne fait jamais défaut. Dès son retour au pays, c'est reparti pour des considérations pas forcément géniales, et même parfois, osons le mot, un peu réac. Ce côté "c'était mieux avant", cette défense coûte que coûte du beau langage contre l'incurie moderne, ce cynisme face au progrès (le gars hait tout ce qui ressemble à un I-pod), finissent par lasser un peu : on laisse parler ce tonton un peu ringard parce qu'il a fait mille voyages passionnants, mais on s'en remettra à d'autres pour ce qui est du monde présent.