SERIE : Beau Séjour de Nathalie Basteyns et Kaat Beels - 2017

Ah que voilà une série précieuse et fine ! C'est encore une fois du côté européen qu'il faudra aller chercher un peu de renouveau et des personnages intéressants dans le genre ; la série américaine, trop formatée, commence à faire son temps. Tournons nous donc du côté des Belges néerlandophones et admirons, je vous prie, cette intrigue en béton servie par une distribution aux petits oignons, le tout à partir d'une idée originale qui est très loin d'être un gadget : Kato, jeune fille d'une petite ville sans histoire, est assassinée. Bien sûr, tout le monde tour à tour est suspect, depuis le paisible flic de service peut-être plus ripou qu'il n'y paraît jusqu'au père de la victime, alcoolo et immature, depuis la tenancière de l'hôtel Beau Séjour prête à tout pour ouvrir son établissement à temps jusqu'au petit fiancé pas très fidèle, depuis la meilleure amie qui trempe dans le trafic de drogue jusqu'à la demie-soeur jalouse. La spécificité de la chose, c'est que l'enquête est menée non seulement par les deux inspectrices de base, mais aussi par... la victime elle-même, qui erre à travers la série comme un fantôme hébété. Certaines personnes la voient, d'autres non, et la beauté de cette série est de se placer ainsi dès le départ sur cette ambiance fantastique, sur ce postulat intrigant. Pourquoi hante-t-elle l'esprit et la vie de certains, pourquoi d'autres ignorent son "retour" ? La série tiendra toutes ses promesses, aussi bien au niveau de l'intrigue policière, solide et pleine de rebondissements, que dans son postulat fantastique. La présence/absence de Kato ajoute effectivement une plus-value énorme à la chose, notamment pour les grandes idées de mise en scène qu'elle induit : quand la belle monte sur une moto et s'éloigne, la caméra panote et montre la même moto toujours à sa place, et tous les objets que Kato utilise pour son enquête ont ce même aspect fantomatique qu'elle leur donne.

Du côté esthétique, rien de nouveau sous le soleil pâle de la Meuse : éclairage poussé au maximum (pour éviter le faux raccords éventuels, certes, mais aussi pour glacer l'ensemble), découpage très précis, cliffhanger à la fin, on est dans du velours. Mais, outre son idée barrée évoquée plus haut, Beau Séjour se distingue réellement par maints détails : ses décors notamment, champs de boue, terrains de moto-cross, cours de ferme trempées par la pluie, petit commissariat de province, sont le lieu idéal pour développer une histoire dans laquelle tout le monde se connaît, tout le monde couche peu ou prou avec tout le monde, et tout le monde cache en fin de compte de lourds secrets sous le manteau. Les acteurs sont absolument tous géniaux, très crédibles dans des rôles qui ne sont pas héroïques, pas bigger than life ; et on se sent tout de suite à l'aise dans cette petite communauté sans moyens, où les tests ADN prennent dix ans, où on paume des preuves fondamentales parce qu'on a trop picolé. Le bazar ménage de solides coups de théâtre à intervalles réguliers, le final est romantique à souhait, et c'est passionnant. On reste dans le polar boueux habituel du genre, mais la présence de ce fantôme rajoute le piment qui distingue la série des autres. Haletant.

Comments

[Zofia]

J'ai vraiment beaucoup aimé cette série !! des très bons éléments comme tu le cites dans ton article, gros coup de coeur pour les personnages surtout pour Kato !