Chez Nous de Lucas Belvaux - 2017

Lucas Belvaux a longtemps hésité entre beaux films fins et amateurisme total, cette fois il faut croire qu'il est définitivement tombé dans le deuxième camp. Chez Nous est un film incritiquable dans le fond, digne et indigné, en colère contre le monde contemporain et prenant les armes les plus nobles pour lutter contre : si ça continue, les gars, le FN va gagner les prochaines, et on se retrouvera gros-jean comme devant. Le voici donc bricolant un film à charge contre Marine et ses sbires rasés, avec comme louable intention de secouer les consciences, et surtout celles de nos moutons "pas racistes mais quand même y en a trop et pis l'Islam c'est pas pour nous" qui viendraient s'égarer dans la salle. Bon : une infirmière populaire et un peu oie blanche se voit proposer par un machiavélique médecin de se présenter aux prochaines municipales. Elle servira en fait de prête-nom à la blonde et odieuse cheffe du FN (le Bloc, dans le film), donnant un visage doux, jeune et surtout aimé à la funeste candidature. Mais la belle va vite se rendre compte qu'on est pas tête de liste facho sans en payer le prix, que ce soit amoureusement (elle fréquente un nazillon du SERP) ou au niveau professionnel (les gens de la cité veulent plus la voir). Peu à peu, l'enthousiasme du début se transforme en cauchemar, l'étau de la politique pourrie se referme sur la gentille jeune fille, et les battes de base-ball sont de sortie.

C'est en tirant la langue que Belvaux a écrit son scénario : tout y est, depuis la brutasse bas du front qui ratonne jusqu'à l'adolescent qui va sur les sites anti-islam, depuis la copine de gauche indignée jusqu'au père communiste. Le gars a lu tous les livres et vu tous les JT, et tente de tout mettre dans son film. Du coup : pas de personnages, pas de trames, mais juste un catalogue des exactions, petits arrangements, actes de violence, entourloupes verbales, entubes commis par le FN. Emilie Dequenne fait bien tout ce qu'elle peut pour trouver quelque chose à jouer, Dussolier est même pas mal en sympathique ordure, le film est beaucoup trop théorique et figé dans sa démonstration pour leur laisser quelque place que ce fut. A ce jeu-là, c'est Catherine Jacob qui se brûle le plus les ailes : sa composition moitié imitation moitié-exagération de Marine Le Pen est consternante, elle ne trouve jamais le charisme et les coups de gueule de son funeste modèle, et on ne croit pas une seconde à son personnage. La scène finale, grande réconciliation oecuménique autour d'un match de foot, semble avoir été écrite et réalisée sous opium. Pour le reste, on a l'impression que toutes les scènes sont là, dans l'ordre, sagement attendues, et on regarde la chose paresseusement, en se rendant compte que chaque séquence est ratée, manque de nerfs, d'argent (c'est très cheap, surtout le meeting de Le Pen, avec ses 50 figurants), et de direction. Comme si le gars, ébloui par sa volonté de tout démontrer, oubliait de traiter son public comme une entité intelligente : on a l'impression d'un film pour enfants, d'un "Le FN pour les Nuls", qui n'intéressera ni les gens intelligents (c'est trop con), ni les enfants (c'est chiant), ni les électeurs du FN (c'est trop propagandiste). Alors ? Un film pour personne.

Comments

[Proutinella]

Hi hi hi. Oui c'est ça, hélas. Belvaux enfonce les portes ouvertes ("c'est pas bien le FN") inutilement alors qu'il n'aura dans la salle que des convaincus de la gauche bienpensante. Film inutile donc. Pas film d'ailleurs, plutôt téléfilm tant la réalisation ne rehausse en rien la puérilité du scénario. De plus, les acteurs sont très mal dirigés, incarnant des personnages très mal écrits.

Le seul intérêt du film est de montrer un peu la stratégie d'ancrage local du FN.

Revoyons plutôt la belle et virtuose trilogie de Lucas Belvaux... Hi hi hi.