Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
25 février 2017

Dancer in the Dark de Lars von Trier - 2000

dancerinthedark

Ce film m'avait emballé en son temps, mais sa revoyure me pose souci. C'est brillant dans le concept, mais pas très réussi au final, que ce soit dans la forme et surtout dans le scénario. On ne peut qu'être épaté par la nouveauté de ce cinéma-là : on n'a jamais vu ailleurs ce style étrange, purement formel, et on n'a jamais écouté une histoire racontée comme celle-là. Malgré sa soit-disant "objectivité", Von Trier est partout ultra-présent dans ce film, comme un empereur qui aurait la main sur chaque élément, et il est indéniable que Dancer in the Dark est sur-signé, parfois même un peu trop. En tout cas, le gars réalise ici un mélodrame musical qui charcle dans tous les sens, ne se mettant aucune limite dans le too much. Björk interprète une simple d'esprit, en passe de devenir aveugle, qui lutte vaillamment contre son handicap en faisant croire à son patron que son travail à l'usine est normal. Elle économise sou par sou pour faire opérer son fils, destiné à avoir la même cécité à terme. Mais un flic un peu chelou l'arnaque et la pousse à le tuer. La descente aux enfers de notre chanteuse sera rude, et Von Trier semble prendre un malin plaisir à la pousser (ainsi que son spectateur) dans le plus hystérique des mélodrames. Le truc, c'est que Salma a un jardin secret : elle aime les comédies musicales, et compense la noirceur de son existence par des décrochages "rêvés", dans lesquels elle danse et chante libérée de toute contrainte.

ditd1

C'est dans ces scènes qu'on sent vraiment le regard du maître. Filmées paraît-il avec 100 caméras placées à des angles différents, elles éclatent dans tous les sens. Les plans d'une fraction de seconde, certains décadrés, alternant les échelles de plans au petit bonheur la chance, s'enchaînent hystériquement. On ne sait s'il faut hurler au génie devant la place que le gars laisse au hasard, ou tiquer devant l'absence d'émotions de ces scènes. La musique de Björk est déjà très froide, s'appuyant sur les bruits du quotidien, et surtout composée de vocalises étranges, mais le dispositif mis en place met encore plus à distance ces scènes-là. Pourtant, on est admiratif de l'expérience : les danseurs ne sont jamais filmés comme un groupe harmonieux, mais comme des pantins sans âme, et le caractère intrinsèquement émotionnel de la comédie musicale est piétiné sans vergogne. Mais il y a là un véritable hommage au genre, une ode à l'évasion qui fait sortir Salma de sa vie aux moments les plus durs. Touchant de voir la nana s'accrocher à cet héritage fantasmé. On ne sait si Von Trier cherche de nouvelles façons de filmer les parties chantées, ou s'il accuse la fin du genre en cassant tous ses jouets. Dans le doute, disons qu'on accroche bien à ces moments très expérimentaux, et qu'on reste ébahi, une nouvelle fois, par le style (de petit malin, mais efficace) de LVT.

images

Dans les scènes plus "simples" (encore que ce terme ne fait pas partie du vocabulaire vontrierien), on passe de l'accablement à l'enthousiasme. Björk est assez moyenne, on n'aime pas son personnage de simplette victime des hommes et de la vie, alors que le film fait tout pour nous la faire aimer. La direction d'acteurs pose d'ailleurs problème, et si les vieux de la vieille s'en tirent sans dégat (Deneuve par exemple, semble prendre tout ça avec distance), on est plus dubitatif sur les débutants, Björk en tête donc. Elle n'a que deux expressions, le désarroi et le sourire niais. Et puis on peut trouver que le gars y va un peu fort quand même du tire-larmes : son film est sans doute un hommage à Douglas Sirk, mais il a du mal à trouver la mesure (la scène finale est drôle tant elle est poussée). Avec Von Trier, on le sait, c'est tout ou rien ; là, c'est tout. Le scénario est moyen, pour tout dire, et on sent bien que ce n'est pas ça qui intéresse le bougre. La mise en scène, à l'épaule, remplie de faux raccords, de découpages intempestifs, de cadres bizarres, de mouvements désordonnés, est anti-conventionnelle à fond, et c'est pour ça qu'on l'aime. Le gars filme à l'emporte-pièce, dans un style très voyant, qui parfois fait mal aux yeux, et parfois laisse admiratif, parfois laisse entrevoir un crâneur manipulateur sans sentiments, et parfois laisse deviner un visionnaire et un inventeur hors paire. Voilà ma foi un film qui ne peut pas laisser indifférent, mais contrairement à ceux qui pensent que Von Trier, on aime ou on déteste, vous me voyez pour ma part à cheval entre les deux sentiments, entre l'impression que ce n'est pas son meilleur film et l'impression que je viens de regarder un chef-d'oeuvre formel. Ça vous aide ?

Quand Cannes,

Commentaires
Derniers commentaires