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22 février 2017

Silence de Martin Scorsese - 2017

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C'est à croire qu'en vieillissant, on devient une grenouille de bénitier. Scorsese nous balance son plus mauvais film, et je dirais même qu'on est assez proche de l'horreur pure en contemplant cet objet de luxe ni bien écrit, ni bien réalisé, et surtout fait avec une inspiration de pucelle de couvent. Ajoutez à cela une totale perte du sens visuel, et une vision très douteuse de l'Histoire, et vous obtenez un sombre navet, osons le mot. Silence, c'est 2h40 de style pompeux et de catholicisme fervent érigé en sine qua non. Quand on pense que c'est le même gusse qui a réalisé La dernière Tentation du Christ, on se dit que l'auto-flagellation fait bien du mal.

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Deux missionnaires portugais (parlant un anglais parfait) partent au Japon sur les traces d'un prêtre catho disparu, dont la légende dit qu'il a renié sa foi. Nos deux gars partent alors pour une odyssée qui les amènera à cotoyer paysans chrétiens torturés et chefs bouddhistes peu accortes. Dans une succession de champs/contre-champs hyper rigides, enchaînés avec des plans doloristes parfaitement ineptes, Scorsese se livre à une glorification de la foi en milieu hostile. On le sait bien, les chrétiens ont été opprimés et pourchassés, alors qu'ils ont toujours été blancs comme neige dans leur histoire (la saint quoi ? Barthelemy ? non, je ne vois pas). Pour un vieux mécréant comme moi, ça fait tout de même un peu mal au sein de voir ces scènes de crucifixion grandiloquentes et ces prêtres refusant de mettre le pied sur des icônes pieuses, et pour tout dire, c'est même quasiment incompréhensible. Je dirais même que le film n'est du coup constitué d'aucun enjeu, hésitant entre deux options : si vraiment la foi est intérieure, si elle se développe quoi qu'il arrive dans le silence, pourquoi ces tergiversations infinies sur le reniement, sur le symbole de l'abjuration ? si elle n'est qu'extérieure, pourquoi cette déification du monde intérieur des prêtres ? Le style tout en trompettes et en imagerie christique est effarant, et on verrait bien le film projeté dans une kermesse d'église. Il est vrai qu'au bout d'une heure et demi, Scorsese fait prendre un virage à son scénario : si le christianisme ne marche pas au Japon, c'est que cette religion n'est pas la leur, que les chrétiens ne sont que des marionnettes qui ne croient pas en Dieu : cette question, intéressante, est abordée dans des dialogues à peine esquissés, et filmés qui plus est dans une forme ennuyeuse au possible, comme des questions purement théoriques et qui ne donnent rien cinématographiquement. On peut y voir une remise en cause de l'obsession de ces pauvres curetons qui essayent d'implanter une religion sur un sol stérile. Mais la question reste vraiment en surface. Et s'il faut voir dans ce film historique une réflexion sur le monde d'aujourd'hui, s'il faut faire un parallèle avec l'Islam qui ne s'implantera jamais en Amérique à cause de sa culture, on est en droit de tiquer devant les tendances protectionnistes de Scorsese.

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Le scénario, impossible, n'est pas le seul en cause. La forme du film est affreuse. Les acteurs sont en-dessous de tout, notamment Andrew Garfield qui joue comme dans une série télé, un jeu de petit malin qui minaude dans son costumes de haillons et surjoue la douleur devant des figurants pas dirigés qui souffrent sous les tortures à l'eau chaude (on connaît pire comme torture). Liam Neeson, le pauvre, est dirigé en dépit du bon sens, sa reconversion en impie a l'air de lui coûter un bras, alors qu'elle devrait être simple et dénuée de culpabilité. 90% du film sont constitués de dialogues interminables, sans que Scorsese n'arrive jamais à trouver des équivalences visuelles à ses théories de bigot. Enfin, même dans les plans qu'il estime de toute évidence grandioses, il y a une pauvreté visuelle qui fait peur. C'est un festival d'écrans verts moches, de faux raccords impossibles, et pour une fois le montage de Thelma Schoonmaker laisse des trous béants dans la trame et semble réalisé par un amateur. L'image putassière finale n'ajoute rien à ce film assez inregardable, qui joue avec l'Histoire, n'a aucune distance ni critique par rapport à ses personnages, et a l'air réalisé par un aveugle. Décidément, le catholicisme a fait des ravages.

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Commentaires
J
Ils voient leurs films par procuraaaaatioooooon<br /> <br /> Devant leur blog de prédiiiiiiiiilectiooooooon<br /> <br /> La-la-la-la la-laaa la-laaa...<br /> <br /> Na-na-na-na na-naaa na-naaa...
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H
Moi non plus, pas vu.<br /> <br /> Moi aussi, d'accord.<br /> <br /> Me semble même que cette chronique pourrait être copiée-collée sur une flopée de Scorsese sans dépareiller.
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S
Je souhaite clarifier un point à mon tour: je n'ai pas vu ce film non plus mais je suis à 100% de l'avis de Gols.
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P
Wouaw, pour le coup, difficile d'être d'accord avec vous. <br /> <br /> La plus belle chose que l'on peut entendre dans ce film, c'est justement la vanité radicale du prosélytisme. Le christianisme, loin d'être glorifié, est justement bien remis à sa place, comme tout instrument idéologique de la mondialisation occidentale. <br /> <br /> La première partie est pour cela bien habile, en nous illustrant le martyr de ces pseudo chrétiens (car seul un portugais, ou autres, peut vraiment l'etre) pour mieux déconstruire cette violence à leur égard par la suite. <br /> <br /> L'enjeu de toute l'entreprise de Scorsese est bien plutot de dévoiler que la religion est une question politique, que toute politique est territorialisée, et qu'au final toute foi est la réponse au silence inéluctable de dieu. Certains s'en tapent des orgasmes comme Thérèse d'Avila, d'autre y voit la nécessité d'un pragmatisme existentiel éclairé, comme l'inquisiteur du film. C'est pour cela que ce qui m'a vraiment le plus frappé dans ce film, c'est qu'il illustre des séquestrations, des tortures, et des exécutions, sans exprimer aucune haine, aucune malveillance. Tout le monde a ses raisons, comme chez Renoir.<br /> <br /> Et puis la mise en scène, quand même. Rien que deux scènes. Les "crucifixions" soumises à la marée, et cette longue scène de faux procès s'achevant sur la décapitation d'un des prisonnier. Quelle rigueur, quelle gestion incroyable de la durée.<br /> <br /> Pour les questions d'interprétation, c'est peut etre une question d'affinité. Mais bon, on ne peut nier la générosité de Scorsese quant à mettre en scène un scène, même quand il s'emploie à l'austérité comme dans ce film.<br /> <br /> Il s'agit certainement d'un film de post maturité, qui n'a sans doute pas l'intensité de ses fresques précédentes, mais qui témoigne d'une vraie clairvoyance et d'une maitrise incroyable de son métier (les influences de Kurosawa, Kobayashi et autre Ichikawa sont là, sans ostension, toutes digérées et appropriées).<br /> <br /> Et quasiment pas une note de musique. Ce n'est pas le premier film à faire ce choix, mais qu'est ce que ça fait du bien pendant quasiment trois heures.<br /> <br /> Franchement, je suis sorti apaisé de ce film soigneux, éclairé et bienveillant.
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