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19 janvier 2017

Homeland (Irak année zéro) (Homeland (Iraq Year Zero)) (2016) de Abbas Fahdel

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C'est malheureux, comme disait ma grand-mère, que l'on puisse voir ce genre d'images et de "film-reportage" avec quatorze ans de retard. Qu'il s'agisse de la première partie ("avant la chute" de Saddam Hussein) comme de la seconde ("après la bataille" et l'invasion de l'Irak par les Ricains), on eut aimé qu'un quelconque journaliste indépendant nous montre en temps et en heure cette vie quotidienne, sans a priori, sans subjectivité voyante, sans voix off polluante, simplement. On pourrait faire des reproches aux journalistes, mais cela risque de s'avérer vain car en reste-t-il vraiment à l'heure de ces médias sous contrôle ? C'est dit sans causticité, juste un constat banal et brut. Bref, le fait est que Fahdel, en nous montrant la vie quotidienne des Irakiens (il filme dans un premier temps presque exclusivement sa famille (et comme il a une demi-douzaine de frères et sœurs, des neveux et nièces en pagaille et des cousins à la pelle, on a déjà un beau panel représentatif)) nous donne une vision de son pays loin de tous les clichés ou réductions ridicules véhiculés par les médias.

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Les Irakiens, comme tout bon peuple qui se respecte, vivent avec les moyens du bord et se préparent en ce début d’année 2002, avec un certain fatalisme (les pauvres sont devenus coutumiers du fait) à cette future guerre post 2001 contre leur leader, ce sataniste qui cache des armes de destruction massive dans son slip en plomb. Il aurait suffi de montrer à la télé 10 minutes de ce reportage pour que toute l'Europe descende dans la rue et manifeste contre la décision américaine de balayer le pays - bon, je suis sans doute un peu idéaliste ou optimiste sur ce coup. Fahdel filme à hauteur humaine, c'est le moins qu'on puisse dire, et sa caméra ne donne jamais l'impression de se faire trop intrusive dans les conversations privées ou lorsqu'il filme les commerçants sur le marché : du coup on est dans la vraie vie et cela donnerait presque le sentiment, mon cousin, que les Irakiens ben c'est des gens un peu comme nous avec parfois un ptit foulard sur la tête. On suit les discussions intergénérationnelles avec un certain sourire - les plus jeunes semblant attendre impatiemment la guerre pour rater l'école, les ados faisant profiter les plus jeunes de leur expérience – avec des anecdotes plus ou moins drolatiques ou traumatisantes -, les adultes semblant eux s'être fait définitivement une raison après toutes ces années de dictature et de guerre... On creuse un puits dans le jardin pour s'assurer d'avoir de l'eau de courante, on remet sur les fenêtres du scotch alors même qu'il reste les traces de celui posé en 1991, on fait des réserves en allant prendre en avance les provisions de rationnement fournies par le gouvernement, et on se prépare, pour les plus jeunes, à aller passer quelques mois à la campagne avec les cousins (dans la tranquille ville de Hit) en attendant que les bombes se calment sur Bagdad. Aucune véritable panique, juste une légère appréhension : combien de temps va durer cette future parenthèse, combien de temps il va encore falloir serrer des fesses... Malgré l'embargo, malgré le coût de la vie, on reste relativement impressionné par les étalages de bouffe sur le marché (c'est peut-être la crise mais pas la disette) et on se demande bien ce qu'il en restera après l'attaque américaine... La première partie se ferme sur des images qui font froid dans le dos, celles sur cet abri civil dans lequel s'étaient réfugiés en grande majorité des enfants et des femmes et qui fut transpercé par les bombes de la coalition - un bilan effroyable d'environ 400 victimes. Malgré une certaine "sérénité" affichée par la population à l'approche de cette attaque américaine, on comprend aussi qu'au fond de même, sans l’afficher ouvertement, ils soient toujours prêts à s'attendre au pire...

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Deux semaines après la prise de Bagdad, Fahdel revient avec sa caméra sur les terres irakiennes... La présence américaine est clairement visible (des colonnes de véhicules... ils doivent avoir un bon plan pour se ravitailler en essence) et les destructions des bâtiments administratifs évidentes. Seulement voilà, il semblerait que la plupart des incendies dans ces immeubles soient dûs aux exactions de pillard qui fleurissent depuis le début de l'invasion ricaine... Rapidement, on ressent d’ailleurs chez les habitants une rancœur généralisée : la sécurité n'est absolument plus assurée et les Américains se révèlent particulièrement nullos pour assurer un service minimum (il y a notamment encore moins de courant qu'avant et l'essence devient parfois difficile à trouver...). Après, pour ce qui est du départ de Saddam, personne ne semble vraiment dupe : il a commis des crimes horribles, nombreux sont ceux qui sous son règne ont perdu un parent qui avait osé critiquer le Père de la Nation mais... bah, malgré cette indéniable liberté d’expression gagnée, ce ne fut jamais autant la merde au niveau des violences urbaines et des manques de perspective, de travail,  pour chacun. Fahdel, au gré de ses déambulations dans Bagdad et ses alentours, rencontre des citoyens irakiens consternés par les "boulettes", pauvre euphémisme, et autre dommages collatéraux commis par les Ricains. Là une jeune personne abattue parce que les Ricains ont cru qu'elle tenait une bombe (elle avait dans les mains une simple bobine d'allumage, autant dire un truc pacifiste avec des fils électriques qui dépassent), là un quartier rasé parce que les Ricains, sans précaution aucune, ont fait péter un dépôt de munitions. Que Saddam se soit barré, ok, mais pour être sous la servitude de bras-cassés impotents et incapables d'empathie, la pilule est plus qu'amère. On se désole, avec cet acteur déjà présent dans la première partie (on avait assisté à ses larmes lors du mariage de sa fille) en visite dans les studios de Bagdad totalement dévastés et pillés... Que restera-t-il du passé culturel de ce pays maugréait-il la larme à l'œil en serrant dans ses mains une bobine de film. On a l'impression qu'après la peste locale, on a droit maintenant au choléra étranger qui n’a aucune main mise sur le climat d'insécurité et de destruction sans foi ni loi qui règne - nos amis Irakiens font, pour le moins, la grimace et on les comprend... Cette seconde partie se termine sur un coup de théâtre saisissant qui nous fait bien comprendre à quel point le cinéaste a vécu parmi ses pairs pour nous faire partager aussi bien des instants de joie familiale que les drames les plus affreux. De l'excellent reportage en immersion qui, sans qu'il soit besoin d'en rajouter, nous plonge pendant plus de cinq heures dans le quotidien de nos frères humains irakiens guère épargnés - c'est le moins qu'on puisse dire - ces dernières années. Sobre et prenant.

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