Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
19 janvier 2017

LIVRE : Le Ring invisible d'Alban Lefranc - 2013

9782070139811,0-1553466Lefranc excelle dans les portraits concentrés sur un temps précis. Après Fassbinder, le voilà sur les traces d'une autre légende, Cassius Clay alias Mohamed Ali alias The Greatest. Et comme pour le cinéaste, il concentre toute sa trame sur la jeunesse de celui-ci, depuis l'éducation ardue par un père alcoolo et ruminant sa vengeance vis-à-vis de l'esclavage jusqu'aux premiers succès sur le ring, la victoire sur Sonny Liston en constituant le point d'orgue. Inutile de chercher dans le livre les grands moments de la vie du champion, Lefranc laisse ça à Youtube. Lui préfère s'intéresser aux motivations, disons, du boxeur, au contexte politique qui l'entoure ; par exemple au massacre d'Emmett Till, tué pour avoir violé une blanche ; ou à l'assassinat de Kennedy ; ou à la montée en puissance de Malcolm X. Tout un réseau de circonstances qui ont préparé l'avènement d'Ali, et que Lefranc fait claquer façon mantra dans un texte poétique, merveilleusement rythmé. Le gars s'intéresse également aux petites choses, notamment la peur de l'avion du champion, et égrène ça et là quelques détails techniques (l'allonge du bonhomme, son mépris complet de la garde). Bref, on a là un portrait à la fois intime et historique d'Ali, qui n'essaye jamais d'être une biographie. L'auteur essaye plutôt de mettre des mots sur l'énergie, sur la puissance du gars, sur l'aura qu'il va arriver à dégager par la suite. On sent que le boxeur est le résultat de contingences sociales et intimes, mais surtout politiques et historiques. L'écriture de Lefranc est au taquet, mélange de discours intérieur et de langage slamé, d'annotations historiques et de délires personnels, le tout dans un texte rempli de répétitions, de changements de points de vue, de poèmes... Il en résulte une sorte de magma, la langue servant souvent de matière presque physique au livre. Lefranc ne respecte pas la littérature, et on l'en remercie : il parvient ici à rendre vivante une légende, à lui redonner de la chair et du sang, et à trouver même, parfois, quelque chose du rythme de la boxe, quelque chose de la rage d'Ali, cet élan qui le pousse au sommet. Très bien.

Commentaires
Derniers commentaires