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7 avril 2014

La Belle de Moscou (Silk Stockings) de Rouben Mamoulian - 1957

Silk Stalkings 08 - Cyd Charisse Fred Astaire

Je promets à nos éminents commentateurs que ce n'est pas de la mauvaise foi, et que mon peu d'intérêt ordinaire pour Fred Astaire n'y est pour rien : j'avais vraiment envie d'aimer Silk Stockings, mais voilà, il m'a fait tout l'effet d'un film pataud et poussiéreux, glamour dans les chaussettes et soupe aux vermicelles à portée de main. Quand on pense que c'est un remake de Ninotchka... Tout le film semble gagné par la vieillesse et l'arthrose. Mais en fait, c'est pas faux : Fred Astaire a 58 ans au compteur et ses chorégraphies font de la peine (il y a même un type qui l'aide à se relever sur la fin, en faisant comme si c'était un gag), Mamoulian réalise son dernier film (et on se souvient du bondissant Mark of Zorro qu'il fit à ses débuts, et on soupire), même la grande Cyd Charisse, avec sa quarantaine approchante, n'est plus la grande dame qu'elle fut. Sommet de la gène : Peter Lorre, pourtant seulement âgé de 53 ans à l'époque, en fait le double, complètement perdu, hébété, à contre-temps de chaque réplique. L'auteur de ces lignes est un grand fan de Lorre, et c'est une peine d'autant plus grande de le voir ainsi gigoter entre deux chaises pour faire croire qu'il danse, louper les paroles de la chanson, ou tenter pathétiquement une de ces grimaces qui ont fait sa gloire : il est nul, et complètement effacé par ses deux accolytes George Tobias et Jules Munshin.

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Du coup, on a l'impression que l'ensemble de la production a été gagné par les ans. Le scénario, qu'on avait pourtant applaudi chez Lubitsch, laisse voir ses ficelles et ses facilités. Il y a bien encore quelques répliques savoureuses, quelques saillies sur l'URSS qui font mouche, quelques sorties glamour bien envoyées. Mais le déroulé de l'histoire est assez mal foutu, bancal, voire même assez incompréhensible : on ne comprend pas les changements d'humeur de Ninotchka, agent russe psycho-rigide qui va craquer pour la bohème parisienne avant de recraquer pour son régime autoritaire pour ensuite revenir à la belle vie, etc. D'autant que l'homme qui la fait virer de bord est ce petit vieux de Fred Astaire, dont les tentatives de drague feraient passer Maurice Chevalier pour un des Sex Pistols. Côté musical, c'est Cole Porter qui se colle aux chansons, rien à redire a priori ; sauf que si : aucune chanson ne sort du lot, fades mélodies sirupeuses ou essais de tubes bondissants qui font flop. Peut-être que, par manque de direction d'acteurs, on a du mal à vraiment apprécier l'ironie de certaines (Charisse qui assène une ode au pouvoir dictatorial ou à la chimie de l'amour), et on soupire devant le dur labeur d'autres (la chanson finale, complètement ratée). Enfin, et c'est là où on a le plus mal : les chorégraphies sont immondes, je pèse mes mots. Passons sur les jointures mal huilées de notre Fredo, et regardons, si vous le voulez bien, les danseurs "de complément" : comment peut-on avoir l'idée de cette chorégraphie de fin, où des hommes en costumes se roulent sur le dos en faisant des gestes genre "chat qui attaque", où on rampe sur les coudes et où on se relève péniblement et à bout de souffle, si on n'est pas un dangereux assassin de la comédie musicale dans son ensemble ? Je balance : c'est Hermes Pan qui est responsable de la danse, et il mérite bien son nom si on lui adjoint celui de "dans la gueule". Quant à la mise en scène de Mamoulian, elle est souvent très maladroite. Cette façon d'écarter systématiquement le cadre trois secondes avant que les acteurs se mettent à danser par exemple, histoire de ne pas avoir à couper quand le mouvement démarrera, gâche tout le charme des chorégraphies. On sait exactement quand Astaire va démarrer sa danse, et du coup, la virtuosité et la surprise remballent leurs cartons.

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Allez, pour terminer sur une note moins maussade, j'avoue que certains détails sont assez plaisants. Les couleurs du film, notamment, hollywoodiennes à mort, qui éclairent ce Paris complètement fantasmé et ces intérieurs raffinés ; ou la présence de Janis Paige en oie insupportable, parfaite ; ou cette grâce parfois retrouvée dans les danses de Cyd Charisse, toujours belle (malgré les costumes russes, pas à son avantage), toujours grâcieuse, et qui fait franchement tout ce qu'elle peut pour faire oublier que Fred Astaire est nazouille. Mais ça ne réussit pas à sauver ce "musical" crépusculaire, qui semble déjà gagné par la fin de l'âge d'or, et qui entraîne avec lui quelques légendes fanées.

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