Amours dans la Neige (Juhyo no yoromeki) (1968) de Kijû Yoshida
Une femme, deux hommes, une station balnéaire abandonnée... On se croirait presque dans un film de Blier en noir et blanc sans une once d'humour et magnifiquement filmé (Yoshida dont chaque cadre semble pensé, millimétré... à défaut parfois de la "sanguinité" du jeu des acteurs, certes). Bref. L'un des hommes est un ex-amant avec lequel elle a eu une relation platonique (il est impuissant), l'autre est un jeune homme qui n'a de cesse de tergiverser (il pourrait la tuer sur ce lac... mais elle est enceinte... ils se quittent malgré tout... et il revient à elle, titillé surtout par la présence de l'ex, comme si la jalousie réveillait son désir...). Les personnages n'ont de cesse de se tourner autour - même talent chez Yoshida lors de ces plans en caméra à l'épaule -, l'un monte en puissance et se retrouve sur une pente "érectile" - l'ex-amant - pendant que l'autre est sur la mauvaise pente jusqu'à l'impuissance... "totale"...
Amour purement charnel décevant vs amour spirituel insuffisant, on comprend pourquoi notre héroïne n'est pas jouasse... Alors même qu'elle finit tout de même par trouver "les sommets amoureux" (elle ne se déride guère, mais passons), un événement tragique semble vouloir remettre en cause sa bonne fortune... Ouarf. Paysage industriel enfumé, brume et tempête de neige qui engloutissent littéralement les personnages (magnifique cet écran tout gris pendant quelques secondes...), les trois individus de cette oeuvre ne semblent guère avoir la possibilité de s'épanouir : comme si pour Yoshida ce monde contemporain était d'une tristesse infinie... Passé trente ans, finies les illusions, voici semble-t-il venu le temps des désillusions perpétuelles - l'héroïne et son ex-amant ont eux-mêmes l'impression de courir après un passé qu'ils ne pourront jamais rattraper (la roue tourne, comme semble l'illustrer cet incroyable plan avec ce lustre-roue)... Et tombeeeeeu la neige, comme disait l'autre, comme pour étouffer un peu plus ces sentiments à bout de souffle. Po gai gai, nan, mais l'écrin cinématographique est toujours aussi beau ; la présence d'une délicieuse petite ritournelle parvient également à apporter une peu de légèreté ici et là à la chose, et l'on prend toujours autant de plaisir à découvrir l'univers de ce Yoshida où les personnages féminins sont toujours aussi troublants et troublés.