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29 juin 2011

On murmure dans la Ville (People will talk) (1951) de Joseph L. Mankiewicz

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Difficile de ne point ressortir de la vision de ce film sans la banane, l'ami Mankiewicz faisant preuve dans ce film d'une telle foi dans l'humanité qu'en comparaison, même une œuvre de Capra paraîtrait petit joueur. Cary Grant trouve là un rôle absolument en or pouvant, sans se départir de son sérieux à tout crin, se montrer à la fois charmeur, généreux, humaniste, malin, dévoué, drôle (plus il fronce des sourcils, plus il se met en colère, plus il sait jouer sur le fil de la comédie : cela ne s'invente point) et ressort de ce film la baguette à la main (docteur à la base, il conduit également l'orchestre composé des étudiants en médecine) tel le plus grand des maestro-acteurs de son temps. Le film est une fois de plus diablement bavard, mais chaque dialogue est un tel bonheur au niveau des reparties et de l'ironie, alternant les soudains coups de semonce avec les moments les plus intimes, les règlements de compte déchirants avec les passages amicaux qu'on se trouve, à quasiment chaque séquence, devant une scène d'anthologie (j'exagère, mais si peu...). Face à Grant, la douce Jeanne Crain fait merveille pour le ramener semble-t-il au niveau de la terre ; cet homme, totalement dévoué envers ses frères humains (même si les femmes composent une grande partie de sa clientèle dans la clinique) va, paradoxalement, au contact de cet "ange" féminin à deux doigts de s'envoler définitivement, retrouver une dimension humaine, vouloir à nouveau mener une vie comme le commun des mortels. A leurs côtés, deux individus jouent un rôle antagoniste : le petit et mesquin Professeur Elwell (Hume Cronyn) qui cherche des noises à notre grand homme, et le mystérieux et frankensteinien Shunderson qui suit Grant comme son ombre, tel un éternel valet protecteur - ou un véritable ange gardien, pour le coup... Les recherches de l'un sur le curieux passé de l'autre animent une trame qui n'avait de toute façon guère besoin de ce suspense pour nous tenir tout du long en haleine.

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Grant veille sur ses patients tel une mère sur ses enfants, sachant toujours trouver, derrière ses airs un poil "revèches" (pour la forme) adoucis par un constant et léger sourire aux lèvres, un petit mot réconfortant : quelques grammes d'espoir dans un monde où il faut, quoiqu'il advienne, constamment se battre. C'est d'ailleurs cette constante adversité dont fait preuve Grant qui ne peut que forcer le respect : qu'il se "chamaille" gentiment avec l'un de ses grands amis parce que celui-ci, lorsqu'il joue du violoncelle, ne suit point ses indications, qu'il prenne à parti un vieux fermier littéralement enterré dans ses principes, qu'il se "dispute" avec deux de ses "potes" (le docteur musicien et son beau-père) en jouant aux trains électriques (grand grand moment de slapstick comedy avec ce jeu sur les beep-beep et les beep-beep-beep), qu'il prenne de haut ce misérable petit professeur Elwell en cherchant à défendre Shunderson ou son passé (le parallèle avec les enquêtes sur Mankiewicz lors de la chasse aux sorcières semble s'imposer de lui-même)  ou qu'il tente de donner la foi à cette jeune femme enceinte et désespérée qui est venue lui rendre visite (Jeanne Crain), il ne fait point de doute que notre homme n'est pas du genre à lâcher quoi que ce soit. Grant a des convictions et rien ne semble pouvoir les ébranler... et ce, même s'il semble prendre soin de dissimuler tout un pan de son lointain passé. Un homme dévoué et pugnace avec un petit côté "seul contre tous", mais qui sait reconnaître, au premier coup d'oeil, l'amitié (sa discussion pleine de respect, de compréhension et de complicité avec cet ancien "touche-à-tout littéraire" qui deviendra son beau-père) et... l'amour. Magnifique passage de séduction dans cette... laiterie : Grant a beau chercher à se dissimuler derrière un certain verbiage et un éternel petit côté "pompeux", il ne peut que finir par baisser les armes devant les attaques frontales et... enamourées de la belle Jeanne. Digne, séducteur, beau-parleur, craquant, Grant est notre héros.

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La caméra de Mankiewicz suit avec un tel naturel chaque mouvement de nos personnages qu'elle en devient littéralement invisible (et je ne dis pas cela uniquement parce que j'ai la flemme de relever chaque petit procédé de mise en scène du Joseph - c'est mal me connaître). Bien que le film soit adapté d'une pièce de théâtre et ne bénéficie de quasiment aucune scène en extérieur (si ce n'est l'arrivée de Grant dans la ferme de Jeanne), jamais l'atmosphère de celui-ci ne paraît étouffante (à noter également, au passage, la grande place prise dans la bande-son par la musique classique qui semble lier chaque scène entre elles) : certes, lorsque l'heure du procès de Grant a sonné et qu'il se retrouve dans cette petite salle exiguë face à ses pairs, on sent monter une certaine pression ; mais même si l'issue de ce(s) jugement(s) possède son lot d'éléments hautement "dramatiques", cela sera rapidement dégoupillé avec l'enchaînement sur le concert final (c'est peut-être pas au niveau du Retour du Grand blond mais presque... - pardon), plein de vitalité, de joie, de bonne humeur et de mouvement. On ne murmurera jamais assez fort que People will talk est un grand film, proprement euphorisant.

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