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24 septembre 2010

Au Feu les Pompiers ! (Hori Ma Panenko) de Milos Forman - 1967

vlcsnap_2010_09_24_17h52m53s90Milos Forman livrait avec Au Feu les Pompiers une petite merveille de finesse, et c'est étonnant de voir comment il a pu tomber par la suite dans un tel académisme consensuel. Aussi agréable au premier qu'au deuxième degré, ce film ramassé (1h10), virulent et gaguesque est avant tout une tuerie au niveau du tempo et du sens du détail. On assiste à un bal des pompiers ringard, avec ce que ça comporte de salles polyvalentes poisseuses, de tombolas pourries et de miss Pompiers affreuses. Le portrait de la fête provinciale est hilarant : Forman sait comme personne gérer les rythmes pour rendre le moindre personnage, le moindre micro-détail, imparables. Tout est profondément juste, pour peu qu'on ait un jour assisté à ce genre de cérémonial antique (en passant : grand bal dans mon bled samedi, avec Eddy Charmant à l'accordéon, venez nombreux). On est plongé dans cette atmosphère en deux temps-trois mouvements : il suffit que la caméra s'attarde sur une de ces filles un peu trop enveloppée, sur un de ces petits vieux dignes, sur un de ces garçons beurrés, pour que l'ambiance touche immédiatement dans sa véracité. C'était déjà le cas dans L'As de Pique, et ça se confirme ici : Forman sait capter avec génie l'esprit des petites vlcsnap_2010_09_24_18h07m04s148villes, à travers le bal surtout. Il y a franchement un gag toutes les 10 secondes, à chaque fois désopilant, et on revoit défiler tous les personnages traditionnels de la ruralité (le maire, le doyen, la bande de jeunes, le chef des pompiers, l'oie blanche, etc.), avec un bonheur total.

Mais bien sûr, Forman va beaucoup plus loin que la simple chronique sociale. Le film se passe en Tchécoslovaquie par des temps agités (1967), et on sent bien que derrière tout ça se cache à peine une allégorie de la politique du pays. Le staff des pompiers, ridicule dans sa raideur, loser comme c'est pas possible, devient vite un symbole presque pas voilé de l'Etat dans son entier, avec toutes ses tares : pitoyable, voleur, corrompu, loin de la réalité et de sa jeunesse, prêt à tous les scandales du moment qu'ils ne sont pas dévoilés, condescendant, minable, et ridicule comme c'est pas permis. La critique est frontale et hyper-caustique, et on est bluffé par le scénario, qui sait toujours nous faire rester dans la farce pure tout en balançant à la gueule de ceux qui nous gouvernent. Le film prend brusquement un virage audacieux qui vient définitivement vlcsnap_2010_09_24_18h18m20s2confirmer cette impression : le feu prend, durant la fête, dans une maison voisine. On assiste alors à l'entrée en scène du Peuple, avec majuscule, dans ce petit monde fermé sur lui-même, en la personne d'un papy désespéré, qui est en train de tout perdre. Son arrivée en pyjama en pleine tombola, alors que tous les lots ont été volés par les participants, est une des images les plus frontalement amères qu'on puisse voir. Pendant que le monde brûle et pleure, les dirigeants font la fête, semble bien être le message proto-punk du film, qui se termine d'ailleurs par ce même pépé entrant dans son lit sous la neige qui tombe. Finalement, cette fête de village a tout de la danse infernale, et on ressort de Au Feu les Pompiers assommé par l'audace et le ricanement de Forman, qui n'a jamais été aussi caustique que dans ce pamphlet violent qui prend des airs de comédie légère. Respects profonds pour ce petit réalisateur tchèque qui a su se lever dans un moment tragique de l'Histoire.

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