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14 mars 2010

Derrière le Miroir (Bigger than Life) (1956) de Nicholas Ray

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Produit par James Mason lui-même, ce film de Nicholas Ray lui permet de montrer tout l'éventail de son talent, son personnage, psychiquement perturbé, devenant de plus en plus inquiétant jusqu'à faire véritablement froid dans le dos. Bénéficiant d'un sublime cinémascope fifties, le film tourné dans des décors aux tons unis n'en fait que mieux ressortir le morcellement de l'esprit de cet homme qui, malgré le soutien de sa famille (parfaite Barbara Bush, très digne malgré les circonstances ainsi que son gamin, finement dirigé), s'enfonce progressivement dans ses délires. Nicholas Ray amplifie ce dérèglement psychique en jouant (avec plus ou moins de légèreté peut-être) avec les ombres, le reflet de son personnage dans des miroirs ou encore en usant de contre-plongées ou de travellings-arrière saisissants, et livre un film qui parvient indéniablement à marquer les esprits.

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Mason cumule son taff de prof avec celui de chauffeur de taxi, histoire de gagner quelques sous en plus. Cet homme, plutôt discret, cache à sa femme cet extra, tentant de mener sa petite vie sans l'inquiéter outre mesure. Seulement, il semble depuis quelques temps être un peu à bout de souffle, et même s'il tente malgré tout de garder la face vis-à-vis de sa femme, le subterfuge ne fait po long feu : un soir en rentrant dans sa chambre, il s'effondre comme une masse. Il enquille deux crises dans la soirée (la seconde le laisse la main tétanisée sur la sonnette de la porte d'entrée : séquence glaçante dont il se relève en tentant à nouveau  de faire bonne figure pour ne pas inquiéter sa femme et son gamin "alarmés") et le voilà en route pour l'hôpital pour passer quelques tests. Les examens s'enchaînent puis le verdict tombe, brutal : il est atteint d'une maladie rare aux artères, il lui en reste pour moins d'un an ! La nouvelle tombe comme un couperet même si les docteurs évoquent la possibilité d'un traitement miracle à l'aide d'un nouveau médoc : la cortisone. Notre type est remis sur pied en quelques semaines et reprend son taff dans la foulée : tout devrait aller pour le mieux s'il pense à prendre ses petits cachets de cortisone quatre fois par jour. Le problème, c'est que le bazar devient vite une véritable drogue pour notre Mason qui double voire triple les doses... et les effets secondaires de devenir méchamment inquiétants...

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Dès le départ, Mason passe de l'euphorie (en pleine bourre, il couvre sa famille de cadeaux onéreux, joue au football américain avec son fils comme un dératé) à la dépression (ah oui, tiens, le voilà maintenant lardé sur le sofa en pleine nuit à pleurer comme un gamin). Même si ses proches le regardent d'un oeil un peu bizarre, ils pensent qu'il ne devrait point tarder à s'assagir. Que nenni; notre Mason abuse des cachets en cachette comme un dingue et notre homme de péter les fusibles un à un : s'il ne s'agit au départ que de sautes d'humeur plutôt inattendues chez cet homme jusque là mesuré, il ne tarde point à se lancer dans des discours sur l'éducation des gamins qui feraient passer Sarko pour un progressiste (cela la fout assez mal devant des parents d'élèves consternés), avant de s'acharner tout particulièrement sur "la formation" de son propre gamin (magnifique travelling arrière quand Mason lance le ballon de football américain à son gosse qui voit arriver le bazar comme un missile avant de finir en larmes au pied de ce pater devenu tyran; belle scène également lorsque notre Mason fait bosser son enfant pendant des plombes, l'ombre géante de notre homme s'étalant sur les murs pour traduire son ego devenu démesuré). Sa femme tente tant et plus de calmer le jeu, jusqu'à ce qu'il devienne totalement incontrôlable (une lecture de la Bible plutôt étonnante...).

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Mason est prodigieux dans ce rôle : tout en gardant un minimum le contrôle de soi, on peut lire toute la folie dans son regard, et même s'il parvient à énoncer ses paroles sur un ton relativement mesuré, les idées qu'il développe deviennent de plus en plus folles. Mason n'a pas besoin d'en faire particulièrement des tonnes pour traduire cette fêlure mentale, gardant un visage humain alors que des pensées de plus en plus monstrueuses l'habitent. Toujours sur la corde raide, il donne au film une dimension effrayante (la séquence où le gamin à bout, cherchant à subtiliser les medocs du pater, voit soudainement l'image de celui se refléter dans un miroir... brrrr), le teinte d'une noirceur proprement terrifiante dans ce monde bien sage des fifties aux couleurs pastels. Une oeuvre du gars Ray pleine de "malaise(s)" à redécouvrir d'urgence.   

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