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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 août 2009

Les Nains aussi ont commencé petits (Auch Zwerge haben klein angefangen) (1970) de Werner Herzog

Il me faut bien admettre que j'ai rarement vu un film aussi complètement starbé. Plus surréaliste qu'un Lynch, plus déséspéré qu'un Haneke - tendance Le septième Continent (décidément, ces Allemands...), plus anarchique qu'un relais de flamme Olympique, Herzog frappe fort dans la démesure, dans la folie et livre un film définitivement hors norme.

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Des nains, dans un centre situé dans une sorte de terrain lunaire (Lanzarote, tiens c'est Houellebecq qui va traîner là-bas, non?), se révoltent contre le responsable. Ce dernier reste enfermé chez lui, avec un nain en otage attaché sur une chaise, pendant que dehors les autres se déchaînent. Au départ, on est un peu halluciné en se demandant bien quel est le fil narratif de l'histoire, avant de se laisser complètement entraîner dans ce délire de plus en plus fou : les nains s'attaquent à un palmier (bon), se gaussent devant des revues 28933érotiques (certes), avant de laisser éclater leur violence contre une vieille bagnole qui ne cesse de tourner en rond (ah, l'automobile)... Peu à peu on reconnaît ici et là des scènes de la vie quotidienne comme si on assistait à une tempête dans des crânes... de nains : des insectes dans une boite sont habillés comme pour un mariage - le côté un peu figé de la chose... -, ils tuent un cochon - cruel, le nain de jardin, comme ces poules qui se battent pour un cadavre de souris -, se balancent de la nourriture dans la tronche - respectent rien décidément, ces nains -, avant d'entamer une procession complètement azimutée avec un singe crucifié  au milieu de multiples feux allumés... Tout semble être tourné en ridicule, comme une révolte, en miniature, au sein d'une microsociété. Le responsable finit même par péter un câble et provoquer, la main tendue vers le haut, un tronc d'arbre avec une branche en l'air : non, il ne cédera pas devant le geste de cet arbre et cette folie finit par rappeler d'autres temps bien sombres... Ces éclats de violence, comme un léger parfum de frustration qui explose (les nains ne cessent de se plaindre du traitement qui leur est fait), finissent dans l'anarchie la plus totale; un chameau (? diable!) fait son apparition et s'agenouille mécaniquement alors qu'un nain laisse éclater un rire sardonique voire démoniaque pendant d'interminables minutes. On ne sait plus si on doit en rire ou être effaré.

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Herzog signe une oeuvre totalement désarçonnante qui peut laisser de marbre (les plus cartésiens) comme scier à la base par son audace, son originalité, son exubérance (je serai plutôt partisan de ceancheinanisb6tte attitude-là); il réalise une sorte d'ovni entre le grotesque et l'outrance, poussant le point de rupture de la folie dans ses dernièrs retranchement. Cette montée en puissance dans la rebellion avec ce déchaînement des instincts les plus vils est toujours ponctué de multiples petits éclats de rires "nanesques", comme un petit foutage de gueule de notre absurdité grandeur nature. Le plus grand film avec uniquement des nains au casting (j'avais un truc avec "de taille" mais j'ai pas réussi à bien le placer au final).   (Shang - 13/04/08)


000602_bEnorme. On imagine le nombre de procès que ce film aurait s'il était réalisé aujourd'hui. Mais en 1970, on savait encore provoquer, et Herzog ne s'en prive pas avec cette farce infernale digne d'un tableau de Bosch. Tout est dit dans le texte de mon camarade : l'incrédulité du début, l'espèce d'énergie euphorisante qui envahit petit à petit la chose, l'audace de chaque scène, l'allégorie qu'on sent poindre derrière l'anarchie totale du scénario... On a l'impression de faire un tour dans ce que le cinéma d'Europe de l'Est a fait de plus délirant, une sorte de Polanski sous acide (idée renforcée par ce noir et blanc crayeux) qui aurait rencontré Burroughs à la terrasse d'un bar estonien. Tout comme ce nain déviant qui ouvre et clôt le film, le rire est constant au long de ce délire, mais c'est un rire affreux, qui s'étrangle dans la gorge, qui fait mal comme une gifle. Tout est fait pour la douleur du spectateur : depuis la chanson saturée qui fait son apparition de temps en temps jusqu'à ces images d'animaux qui se dépècent les uns les autres, depuis ces visages étranges filmés en focale courte jusqu'à ces rythmes interminables pour fixer l'enfer (le dernier plan est une tuerie), on ne cesse d'avoir les poils qui se dressent, profondément dérangés par cette vision absolument nihiliste de la société.

000602_hOui, parce qu'on sent bien que Herzog a d'autres ambitions que celle de réaliser seulement un film potache. On s'interroge sur la symbolique de ces deux gardes aveugles armés de bâtons blancs, impuissants face à la horde désordonnée qui les assaillent ; sur cette touriste bourgeoise perdue dans la montagne ; sur la mort de ce cochon dont on tait la cause ; sur cet otage ricanant ; sur cette voiture qui tourne inlassablement en rond ; sur tout, pratiquement. Mais on sent qu'à travers ces motifs, Herzog veut livrer un vrai film révolutionnaire, qui attaque frontalement tous les consensus esthétiques et moraux, qui parle de politique et de sexe, de moeurs et de dictature. Il y réussit parfaitement, justement grâce au mystère indicible qui se dégage de son film, grâce aussi à l'anarchie qu'il atteint. On est happés là-dedans sans le vouloir, entraînés dans un chaos formel bluffant, sans arrêt hérissés par les provocations et le mauvais goût du sieur. Les Nains aussi ont commencé petits est le film le plus nécessaire du monde, en ce qu'il lutte contre tout ce qu'on attend. Ami Shang, tant que tu auras des cadeaux comme celui-ci, je m'inclinerai respectueusement.   (Gols - 14/08/09)

Venez vénérer Werner : ici

Commentaires
M
Je la récupérerais bien moi la comptine saturée. Shazam n'a rien pu faire pour m'aider. Quelqu'un ici?
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S
Mais il est né à Munich tout de même, comme Herzog... Hum, bon, cela dit, my mistake et toutes mes confuses pour cette grosssse erreur.
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G
Camarade, euh... Haneke est autrichien...
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S
Dans la mesure où Lynch n'est pas à proprement parler un auteur naturaliste mais laisse une grande place dans ses oeuvres à la dimension psychologique incontrôlée (les fameux mondes parallèles), ou encore, entre autre à l'influence des rêves, il ne me paraît point galvaudé d'évoquer une certaine influence surréaliste (J'ai fait une partie de mon mémoire de maîtrise sur Duchamp, vous êtes bien aimable, hum). Quant au fait que Haneke soit allemand et Herzog aussi (d'où le "décidément"), en quoi s'agit-il d'une imprécision? (Il n'y a pas qu'eux, on a d'ailleurs évoqué souvent ici d'autres réalisateurs allemands). Qu'il y ait parfois des boulettes et qu'on nous les indique, franchement, on est loin d'être irreprochable. Mais ce genre de procès d'intention qui résume l'essentiel des trois mille chroniques est d'une imprécision qui frôle la mauvaise foi (On ne tient point à parler absolument de quoique ce soit (? en quel honneur), on ne donne jamais qu'un avis personnel) . (Maintenant si vous voulez donner votre vision éclairée, cher Docteur, ou faire de Lynch un cinéaste bressonien, rien ne vous en empêche, vous êtes libre)
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M
Ce qui est navrant dans votre blog c'est votre énorme imprécision (ici, emploi du mot surréaliste ; ou Haneke = Allemand). Bien souvent, il me semble que vous ne savez pas très bien de quoi vous parlez, mais vous tenez vraiment à en parler !
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