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3 mars 2009

Le Couteau dans l'Eau (Nóz w wodzie) (1962) de Roman Polanski

Premier coup d'essai du gars Roman, et une première tentative... qui ne tombe pas à l'eau - oui, l'inverse aurait été plus drôle mais on va pas dire non plus n'importe quoi, juste pour le plaisir de déconner. Un décor simplissime - puisqu'il s'agit uniquement d'un bateau voguant sur les eaux calmes d'un lac -, une photo absolument mirifique - capable de vous donner des coups de soleil en noir-et-blanc -, un jeu sur les profondeurs de champs assez subtil - d'autant que l'espace est plutôt restreint - et une tension qui monte peu à peu alors que le ciel se couvre de nuages bien sombres... (très beau travail de l'assistant météorologue au passage, un petit métier du cinéma qu'on oublie souvent)

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Un homme, la quarantaine, qui fait un peu le papa musclé, est avec une jeune et bien jolie compagne - beaucoup de mal, pour tout vous avouer, à me concentrer sur son jeu d'actrice tant je fus un poil scotché sur ses troublants atours (oui, c'est un peu énervant, même, au bout d'un moment et je reconnais que ce n'est pas très professionnel de ma part - le maillot de bain polonais demeure, cela dit, malheureusement encore très négligé à notre époque - fermons cette longue parenthèse de pure cinéphilie) et notre "couple", donc, de prendre en stop puis sur leur bateau un jeune homme qui passait par là... Ce dernier n'a pas l'air d'être vraiment pressé - il accepte donc volontiers - et semble pouvoir servir de parfait faire-valoir à notre papa à la fois tout fier de son dix-mètres (à vue de nez, j'y connais rien) et de son "trophée" féminin. Bon ben voilà, je crois qu'on a tout dit vu qu'ensuite pendant 90 minutes il ne se passe rien, le tout étant de savoir lequel tombera à l'eau... Merci, à demain.

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Bon, j'exagère un poil. Nos deux hommes se jaugent, dans un semblant de bon esprit... Notre papa ne peut tout de même s'empêcher, en tant que maître à bord, de donner des ordres à notre jeune homme : autant de micro-humiliations que ce dernier subit sans mot dire. On sent tout de même peu à peu la tension monter, la caméra, en serrant en gros plan sur des objets au premier plan, se faisant un plaisir de nous présenter sous des allures menaçantes un couteau ou une simple rame. Notre petit jeune homme semble pour sa part toujours prêt à épater mine de rien la donzelle (c'est vrai que sans la femme, le film perdrait beaucoup de son intérêt...) en grimpant en haut du mât, en se saisissant d'une casserole bouillante (le mâle est po bien malin quand même, conchions-nous...) ou en jouant un peu dangereusement avec ce fameux couteau qui lui obéit au "doigt" et à l'oeil. Il ne sait pas trop quoi faire, ramant, alors que le bateau suit une trajectoire circulaire (roooh ça sent la métaphore politique... bon j'y reviendrai si j'y pense (c'est le problème un peu avec les films de l'Est pré-chute du mur, dès qu'on voit un truc artistique on cherche la métaphore politique, c'est pénible...)), tentant de partir seul, alors que le gars se baigne avec sa donzelle, sans qu'on sache vraiment si c'est du lard ou du cochon... Echanges de sourires forcés, chacun fait semblant de s'amuser comme pour mieux se cacher derrière les apparences. La menace gronde, l'orage éclate et nos trois amis de se retrouver dans la promiscuité de la cabine. La jeune femme change de vêtement en arrière, l'ambiance est tendue comme un slip de plombier polonais. On joue au mikado comme s'il fallait prouver sa capacité à cacher sa nervosité, le papa captivé par la radio laissant la jeune fille et le jeune homme s'échanger chansonnette et poèmette (je trouvais que c'était mieux pour la rime). Ce vaisseau fantôme se réveille au petit matin et on est de plus en plus impatient, nom de Dieu de nom de Dieu, d'arriver à l'instant où ils vont bien finir par se mettre sur la gueule (les hommes restant les hommes, la femme restant La femme).

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Ben oui c'est fini mon résumé, ne faites pas cette tête, la fin de toute façon n'ayant rien d'extraordinaire (un film polonais j'ai dit), notre jeune femme et notre jeune homme se jouant de notre papa qui perdra un peu de sa superbe. Forcément, on pourrait y voir the métaphore du gars parvenu aux commandes du bateau ivre de l'Etat qui mène en bateau, justement (ouuuh! très fin, le jeu de mot) notre petit étudiant sans le sou. On pourrait j'ai dit, mais je ne le ferai pas n'étant pas trop en forme après les litres de bière d'hier. Polanski fait preuve en tout cas d'un vrai talent pour rendre compte de cette atmosphère claustrophobique, le spectateur ne sachant jamais trop sur quel pied danser (et sur un bateau c'est casse-gueule). Les profondeurs de champs sont magistrales - l'un des personnages, filmé de dos, au premier plan, avec les deux autres en perspective comme s'il s'agissait de deviner ses arrière-pensées -, les plongées prises du mât sont saisissantes, les lectures métaphorisantes taquines (le jeune homme/peuple qui n'a pas l'impression que le bateau/pays avance ainsi que ses multiples réflexions sur le manque d'intérêt de cette navigation sans aucun but (je pourrais même  évoquer Beckett, comme ça, pour le fun, cela faisant longtemps que je ne l'ai pas fait): le bateau finit d'ailleurs, non pas dans le mur, mais heurte violemment le quai...). Formellement, c'est très joliment maîtrisé et Polanski laisse suffisamment d'espace" pour que chacun puisse projeter, à l'intérieur de cette troublante relation triangulaire, ses propres fantasmes et autre interprétation...   

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