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Shangols
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20 novembre 2008

Johnny Guitar (1954) de Nicholas Ray

Il y a bien western et western, et là on est franchement dans du pur plaisir intégral. Il y a un brin de nostalgie (Crawford et Hayden qui ne se sont pas vus depuis 5 ans, une histoire d'amour avortée digne de Casablanca), une forte dose de tragédie (Carradine impérial, Borgnine en salop royal et un duel de gonzesses infernal), un soupçon de chasse aux sorcières (écho ou non du maccarthisme, cette foule d'hommes en noir qui se fait mener par le bout du nez pour exclure "l'étrangère" vaut son pesant d'acharnement), des couleurs aussi tranchées que le regard bleu acier de la Joan et une action explosive comme ces rocs qui, dès le générique, volent en éclats. Bref quand Jean-Luc Godard dit que "Ray, c'est le cinéma", on veut bien le croire les yeux fermés.

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On assiste au départ à un véritable huis-clos tendu comme un ceinturon : un type à la coule avec sa guitouse, une Joan Crawford qui ne desserre point les dents, une foule d'autochtones déchaînée et quatre petites frappes qui jouent les innocents. On s'accuse les uns les autres, il y a de la vengeance dans l'air, des amours mis de côté et des actes manqués (entre le quatuor Crawford (Vienna), Hayden (Johnny), McCambridge (Emma) et Brady (Dancin' kid)). On se demande si d'entrée de jeu cela ne va point tourner au pugilat mais le Johnny Guitar détend plus ou moins tout son monde; on aura juste droit à une bonne baston entre ce dernier et le Borgnine qui finit à moitié borne. Vienna que tout le monde abhorre pour son opportunisme - elle est venue s'installer dans le coin en attendant l'arrivée du chemin de fer - a 24 heures pour fermer son saloon-casino et les quatre branle-manette, sauf l'Ernest, s'en sortent avec un avertissement  (ils sont malgré tout lourdement soupçonnés d'avoir tué le frère de l'Emma). Tant qu'à faire, ils décident d'enfoncer le clou dès le lendemain en braquant la banque du coin, alors même que la Joan venait retirer ses petites économies... Mise dans le même sac que les fuyards, une chasse à l'homme s'organise.

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Si la Joan paraît au départ sèche comme un coup de trique, il faut la voir peu à peu lâcher du mou pour finir dans les bras du Hayden après une discussion d'anthologie... Cinq ans ont passé, chacun tente de faire le malin, mais l'attraction est fatale; cette petite accalmie sera de courte durée, la Joan décidant de plaquer là le Johnny pour revenir dans ses meubles... Heureusement le bougre veille. La séquence où l'on retrouve la Joan dans sa sublime robe blanche en tulle (hein?, oui bon, je sais po, mais ça sonne bien) jouant du piano dans cette grande salle déserte alors que la foule tout en noir débarque est un régal; Emma remonte chacun des hommes comme des pendules pour lyncher la Joan alors que cette dernière plus têtue qu'une mule corse décide de ne pas lâcher un pouce. Bon cette fois-ci cela va dégénérer, l'Emma foutant rageusement le feu au troquet. Celle-ci est possédée, un vrai démon, exhortant les pauvres mâles tout pantois à en finir avec elle... Mais le Johnny qui a d'autres cordes à sa guitare empêche le lynchage in extremis. L'assaut final est digne de Duel au soleil même si la toute fin est plus hollywoodienne qu'Hollywood lui-même.

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Si la direction d'acteurs et le scénar sont au taquet, dès le huis-clos d'ouverture, c'est un bonheur de voir les trente mille changements d'angles de prise de vue et la précision du montage. Rares sont les westerns où chaque plan est autant calibré et les scènes d'action pleines de bruits (des explosions un peu pour le fun, mais on sent que la colère, comme la montagne, gronde) et de furie (Mercedes Mc Cambridge est à deux doigts de la camisole de force...). C'en serait presque parfois presque too much mais on savoure l'ensemble avec un méchant petit sourire de plaisir jusqu'au The End, qui tombe après une ultime chtite chanson envoutante. A Ray in the sun.    

johnny 

Go to the Mid-West

Commentaires
G
Ah pour ma part, je conserve un excellent souvenir de films comme Alice dans les Villes, Faux Mouvement, L'Angoisse du gardien de but, L'Etat des Choses, Au fil du temps ou Paris Texas. Mais c'est vrai que je ne les ai pas revus depuis fort longtemps. Je tourne autour, et puis Shang m'a offert l'oeuvre complète (dans une copie toute pourrie, avec une bande-son alléatoire et des sous-titres birmans, il me faut du courage), donc ça viendra.<br /> Et alors, là, pour Godard, ça me fait super-plaisir de t'avoir fait changer d'opinion : j'avoue ma passion immodérée pour le gars (en tout cas, pour 50% de sa filmographie), et si on a pu contribuer un tant soit peu à la reconnaissance de ce génie, tu nous en vois tout émus.
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F
Tout à fait Gols,le film a deux titres possibles : Nick's Movie ou Lightning over water. C'est une pure merveille, un mélange entre fiction et documentaire qui réfléchit impitoyablement sur le sens de faire du cinéma.<br /> Wenders... adolescent, j'avais aimé quelques uns de ses premiers films (Alice dans les villes; L'Ami americain, Paris, Texas; Les ailes du désir, etc..) mais en les revoyant il y a moins d'un an ça a été pour moi un telle déception... N'en parlons pas de sa dernière phase, tant c'est dramatique. <br /> Là je ne retiendrai que Tokyo-Ga, Chambre 666 (génial le moment où il laisse tout seul Godard, l'écran tv branché sur un match de tennis) et Nick's Movie. Mais je suis toujours prêt à que vous me fassiez découvrir une merveille inconnue de moi, en faite c'est pour cela que je vous lis.<br /> Justement, petite confession : vous m'avez fait changer d'avis en ce qui concerne Godard, que je ne supportai pas avant. Je sais, je sais, j'étais dans l'erreur...
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G
Ca viendra, Fayçal, Wenders étant, en tout cas pour moi, synonyme de passion (ses premiers films) autant que de rejet (ses derniers). Est-ce que c'est bien de Nick's Movie dont tu parles ?
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F
A Ray in the sun and a... lightning over water. C'est le titre d'un film-experiment de Wim Wenders -réalisateur que je n'aime pas du tout-, qui signe ici un truc de fou, un film unique et incroyable, sur (et avec) Nicholas Ray, abordant ses dernières semaines de vie. Un film sur la mort, la création, la mémoire, l'amitié, le cinéma, etc... Un film, quoi... Très dur à voir, puisque impitoyable mais, hélas, d'une beauté inouïe. Testament du grand Ray. Hate de lire un jour vos impressions sur ce film, dear Shang&Gols.
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