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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
2 février 2008

Le Petit Soldat de Jean-Luc Godard - 1960

untitledFilm étrange dans la carrière de JLG, qui n'en était qu'à ses débuts à cette époque : Le Petit Soldat n'a guère d'équivalent dans le reste de sa filmographie, bien qu'on y reconnaisse déjà nombre de figures de style qui ont fait ou feront sa marque. Le scénario est pour une fois très linéaire, sans passer par ces digressions poétiques ou philosophiques habituelles (à part sur la toute fin), et très sombre, dénué d'humour, empreint d'amertume et de tristesse.

Bruno est homme de main pour un groupuscule d'extrême-droite à l'heure de la Guerre d'Algérie. Mais, fatigué de la politique, il refuse d'abattre un journaliste du camp adverse, ce qui lui vaudra la torture. Sujet peu lisse à cette époque, et qu'effectivement JLG traite sous le bon angle : celui de la frontalité totale. Les hésitations de l'activiste devant l'acte qu'il a à commettre, ou les scènes de torture, soldat02sont filmées sobrement, dans toute l'évidence et la froideur de leurs conséquences, simplement soulignées par une musique sombre et mélancolique qui ajoute au désespoir de l'ensemble. La souffrance physique et la torture morale sont captées en gros plans simples et directs (magnifique cadre sur un homme qui étouffe sous un tissu imbibé d'eau, par exemple). Seules respirations au milieu de ce film, les scènes avec Karina évoquent le Godard "poétique" que l'on connaît, mais la relation entre ces deux héros "dépolitisés" et perdus est elle aussi presque dénuée de sentiment.

Même si Godard découvre la beauté de Karina, et la filme en amoureux éperdu, la légèreté ne pointe jamais là-dedans. Je n'ai d'ailleurs jamais été fan de Karina, et elle est encore une fois assez agaçante dans ses poses de petite fille, que JLG accentue en "mythifiant" chacun de ses gestes, en la forçant à rentrer dans un culte cinéphile, en gand fétichiste : si elle lève les yeux, si elle se caresse les cheveux, si elle allume une clope, Godard est ébahi et cherche immédiatement à rendre tout ça légendaire ; mais les épaules de la petite semblent un peu trop étroites pour ça. Beaucoup plus convaincu par Michel Subor, vraie présence/absence photogénique, qui donne à son personnage de dandy désabusé une dimension tragique remarquable.

edi_03Le film souffre aussi des références littéraires du gars, pas encore bien utilisées, balancées un peu artificiellement. Le monologue final de Subor est gavant de prétention, surtout que les citations qui constituent son texte sont discutables, notamment les sorties sur les hommes et les femmes. Malgré ces réserves, Le Petit Soldat est un film très courageux et personnel, émouvant en diable, désespéré mais tout de même tourné vers l'avenir : la dernière phrase donne en gros : "il fallait que je m'efforce de ne pas devenir amer ; et heureusement, j'avais du temps devant moi". Il fait bien le lien entre les expérimentations "réalistes" de A bout de Souffle (beaucoup de scènes de rue filmées à l'épaule, du son direct, un cinéma presque documentaire par endroits) et les fulgurances poétiques futures. En tout cas, c'est sûrement le film le plus accessible de JLG, et je conseillerai donc à quiconque n'a jamais rencontré le génie suisse de commencer par celui-là.

God-Art, le culte : clique

Commentaires
G
Et vous faites bien de le penser, Karlyle. Je n'ai plus le film bien en tête, je ne me rappelle plus de ce monologue. Mais je garde un excellent souvenir de l'ensemble du film.
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K
"Le monologue final de Subor est gavant de prétention, surtout que les citations qui constituent son texte sont discutables, notamment les sorties sur les hommes et les femmes."<br /> Je dis que cela dépend. Godard est omniprésent derrière ce dialogue, mais il ne faut pas oublier qu'il exprime ses idées par le biais d'un déserteur français, seul dans une chambre avec une femme qu'il aime. Il n'y a aucune prétention à parler de ses idées à ses proches. Le caractère personnel du monologue donne peu d'importance à la vérité de ses citations, tout Homme ayant des idées fausses. C'est le monologue le plus profond que j'ai vu dans un film français jusqu'à présent. Le parallélisme fait entre le Vatican et le Communisme est génial (génie-al).
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