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16 février 2007

Pickpocket de Robert Bresson - 1959

vol2no1_aSublime film qui a finalement plus à voir avec la littérature qu'avec le cinéma. Les lectures de Bresson sont les bonnes, et sont parfaitement digérées dans ce brillant exercice de style. On a droit aux théories nietszchéennes de l'élite affranchie des lois, mariées au Camus de L'Etranger dans ce personnage mutique et obscur qui fait de la morale à travers ses actions (et dans la présence cadavérique de la mère), et puis un petit passage aussi vers le Nouveau Roman dans cet aspect atone, non-joué, froid, distancé. Pickpocket réunit tous ces genres, et arrive à livrer un catalogue de l'existentialisme des années 50 tout en faisant du cinéma. La révolution selon Bresson se fait par le biais de la morale, voilà qui tranche avec ses futurs "élèves" de la Nouvelle Vague. Son rebelle à lui est un intellectuel Rive gauche, solitaire et vide, qui décide d'aller faire un tour du côté de l'interdit en faisant les poches des gens dans le métro. La montée d'adrénaline que cela lui procure, couplée avec la tentation amorale délicieusement excitante, est montrée en maître par un Bresson au plus près de son héros et de ses motivations esthético-politiques.

Si le film est fascinant dans son propos, il l'est non moins dans sa forme (comme je dis toujours dans mesPickpocket conférences). Tous les plans où les pickpockets exercent leur art sur les pauvres gens sont magnifiques : rapides, fluides, précis dans les gestes autant que dans la façon de les filmer, avec une énergie tendue qui fait qu'on suit parfaitement le voyage d'un portefeuille de poches en poches. Bresson exerce d'autre part sa théorie de la direction d'acteurs "à plat", presque sans intonation, ce qui permet au spectateur de se projeter dans le personnage, tout en le (se) jugeant dans le même temps. Face à Martin Lassalle, il place des acteurs comme des traits sur un plan d'architecte, et on sent le poids de chaque posture, de chaque mot, de chaque geste. La voix off, truffaldienne, distancée, est là aussi pour peaufiner ce style raide comme la justice. Et si la fin s'oriente plutôt vers une moralité retrouvée (un couple se forme sur les ruines morales du héros), Pickpocket reste quand même en tête comme un manifeste sur la noirceur du monde. C'est aussi un objet de cinéma incroyablement moderne et audacieux, ce qui n'enlève rien.

tout sur Robert : ici

Commentaires
S
J'aimerais beaucoup le voir celui-ci. De Bresson, je n'ai vu que "Au hasard Balthazar", que j'ai trouvé assez casse-couilels mais je ne me décourage pas :D
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