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23 mars 2024

L'Empire (2024) de Bruno Dumont

Puisqu'il va bien falloir essayer de se faire à cette "migration de site" (the show must go on... on verra bien par la suite comment améliorer cette présentation merdique et faire réapparaître notre petite liste de plus de mille réalisateurs ainsi que nos intégrales et autres goodies...), et en attendant également de récupérer nos chroniques évanouies depuis le 18 février (...), commençons par dire deux trois mots de ce film tant attendu de Dumont, un film qui, sur le papier, avait des allures de Petit Quinquin tome 3. On ira vite en besogne en annonçant, une fois n'est pas coutume, une grande et véritable déception... Si Dumont tente de nous livrer une œuvre à l'ambition cosmique sur le bien et le mal (deux mondes extra-terrestres s'affrontent sur Terre, l'un incarnant le mal, l'autre le bien), disons que les réflexions que tout cela entraine tournent court... On pensait que nos deux troupes (les 0 et les 1) s'affronteraient indirectement en tentant progressivement de prendre le contrôle des humains (avec l'idée sous-jacente suivante qui ne manquait pas de grandeur et d'ambition : l'homme est-il plus attiré par le mal ou par le bien ?) mais cette idée est vite écartée au profit d'un combat frontal peu intéressant... Le mal et le bien se regardent d'abord en chien de faïence, mais risquent également, attention, à l'usage de s'attirer ! Dumont tente d'étreindre ce concept à bras le corps avec roulages de pelle et copulations au programme (son film le plus sexy jusqu'alors) mais cela ne suffit pas pour nous rendre le film plus attachant...

On a en effet vite l'impression que les effets spéciaux (plutôt réussis dans l'ensemble) ont fini par annihiler chez Dumont toute cocasserie, tout délire comique... Luchini est en free lance total et nous gave encore plus vite qu'à son habitude,  les trublions flics Carpentier et Van der Weyden font des apparitions fugaces mais n'ont absolument rien à jouer, les délires vocaux lynchiens (l'invention d'une langue extra-terrestre) ne sont pas franchement aboutis, les gags sont rares et ce star chtit (ou cheap ?) trooper national ennuie le spectateur plus souvent qu'à son tour... Une incursion dans le domaine de la science-fiction qui partait d'un bon principe mais qui détruit au passage pratiquement toute la finesse de l'humour (nordique) de Dumont. Coin-coin, en pire.  (Shang - 29/02/24)

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Ravagé, pour ma part, et enthousiasmé par ce film qui relie enfin les deux axes éternels de Dumont : la recherche de la grâce et les paysages du Nord. Qu'on cherche là-dedans, à l'instar du gars Shang, de la comédie à tout prix, je veux bien le comprendre : le film se veut aussi de temps en temps comique. Mais les seuls endroits où il est raté sont là : pas drôle, assez poussif même, pénible quand il filme Luchini en roue libre dans ses excès, assez morne quand il ressuscite les deux flics de Quinquin, il n'est pas très marrant. Il faut dire que depuis Ma Loute, Dumont a choisi la voie du burlesque, qui ne me convainc guère, et que quand il cherche à nous faire rire, il me laisse un peu pantois. Mais justement : L'Empire n'est pas une comédie, même si ses gros gags et sa bande-annonce très putassière le laissaient à penser. Il se rapproche beaucoup plus de Jeanne ou de Hadjewijch que des comédies récentes.

Derrière l'improbable projet de "Star Wars chez les Ch'tis", il y a comme toujours un appel mystique très poussé dans le film, qui, dans ses moments les plus sérieux justement, parvient à trouver une grâce extraordinaire. Dans sa façon d'envisager le territoire du Pas-de-Calais d'abord : minéral, le paysage est regardé comme une sorte d'Eden pur, dans ces vastes cadres d'une beauté sublime, proche des peintres flamands, dans la vastitude des décors où s'inscrivent toujours le ciel, le cosmos, et où prend place l'humain dans toute son acception : le sexe, la joie d'être au monde, l'action. Autant de valeurs purement humaines, que les extra-terrestres découvrent avec une candeur des origines : en devenant humains, en s'appropriant l'enveloppe des terriens, ils découvrent qu'ils ont des désirs, des sentiments mêlés (et non plus ceux, binaires, de leurs camps, les 0 ou les 1), des envies de baiser ou de jouer. Cette métamorphose, qu'ils regardent avec fascination et étonnement, passe par des visages frappés par la grâce : les interprètes féminines sont d'une beauté ravageuse, le Johnny du jour est un Sean Penn hyper-photogénique, et ce qu'ils expriment de désarroi face à la beauté d'être humain fait toute la subtilité et la saveur du film. Comment s'étonner du coup que le combat final, annoncé depuis deux heures, soit aussi décevant : l'important n'est pas le combat entre bien et mal, mais la découverte de l'âme humaine, de la nuance, de la subtilité.

Les symboles religieux affluent, de la cathédrale-vaisseau à l'enfant élu, du Croisé moderne à l'opposition pascalienne entre bien et mal ; et on retrouve avec plaisir le Dumont mystique de Quinquin ou de Hors Satan, le croyant, le philosophe. La musique de Bach, utilisée comme jadis Kubrick utilisa la musique classique, ajoute une couche de religion à cette histoire de recherche de grâce, de transcendance des corps. Elle est magnifique, et Dumont l'utilise avec une force incroyable. Derrière les gags, on sent vraiment qu'il y a un penseur et un metteur en scène, pieux, tourmenté par Dieu, passionné par l'Humain. Son cinéma, qui regarde avec tellement de justesse, de tendresse et de dureté les petites gens de son coin de France, témoigne d'un humanisme profond, loin des clichés bénis-oui-oui. J'adore, sans réserve.  (Gols - 23/03/24)

 

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