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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
3 février 2024

Anna de Pierre Koralnik - 1967

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Mon gars Shang n'a été que courroux concernant un film plus tardif de Koralnik. Je lui déconseillerais donc Anna, qui m'a tout l'air d'avoir les mêmes défauts... défauts que, bien luné certainement, j'ai transformés pour ma part en qualités, ou en tout cas en motifs funs et rigolos. Ce film semble le candidat idéal pour être envoyé dans l'espace afin que les extra-terrestres aient un aperçu de ce qu'était la France dans les années 68 : bordélique, colorée, pop, vouée à l'avènement de la mode, des clips, de la pub, des magazines, kitch et trop légère, joyeuse et cynique. Tout ça se trouve dans cet objet hautement improbable, qui mêle la grande culture (Gainsbourg et les arrangements de Michel Colombier, le romantisme grand crin, les chorégraphies de Upshaw) à la plus populaire, qui se fout comme de sa première chemise col Mao de cohésion et de bon goût, de direction d'acteurs et d'écriture de scénario, mais se consacre à la contemplation sans fard de son époque. Dire donc que tout y est parfait et lissé serait mentir, de même qu'affirmer qu'on ne s'y ennuie pas ou qu'on ne peut y pointer un quelconque défaut : c'est naze, maladroit, je m'en foutiste et amateur, mais c'est tellement juste sur son temps que ça devient assez génial.

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Brialy travaille dans une agence de com, et il photographie par hasard une passante (Anna Karina) dont il tombe raide dingue de l'image. Il va s'efforcer de retrouver la belle parmi toutes les parisiennes qui l'entourent. Il pense que ce ne sera pas difficile, tant il est beau garçon, puissant et débrouillard. Mais la belle, elle-même bien fondue du jeune homme, ne cesse de lui échapper, alors même qu'elle travaille pour lui... Nos deux amoureux finiront-ils par convoler ? Rien n'est moins sûr, tant on connaît le cynisme immanent de l'époque, et tant on voit bien que la présence hilare de Gainsbourg en second rôle garantit la noirceur lucide de la chose. En attendant, Brialy et Karina chantent, mal pour lui, bien pour elle, et trainent leur mélancolie, qui sur la plage de Deauville sous le soleil exactement, qui dans les rues parisiennes. Car Anna est aussi une comédie musicale, et très belle puisque soutenue par les musiques et les lyrics de notre Serge, qui multiplie les bons mots et les mélodies à faire fondre ("Ne dis rien", chef-d'oeuvre). Cette historiette sentimentale est l'arbre qui cache la forêt d'un mélange pop de clips, de couleurs, de scènes pleines de stars à paillettes (Eddy Mitchell, Marianne Faithfull), de danses lascives et de sorties littéraires gainsbourgiennes (qui sort son Stendhal et son Bossuet tout de même).

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Le désordre est le fil rouge du film, qui cultive un ton anarchique qui colle bien à la jeunesse de son propos. Les motivations des personnages sont mystérieuses, ils peuvent se retrouver au détour d'un plan sur une plage ou dans une fête parisienne, on voit bien que Koralnik comble son absence de sujet par des scènes inutiles, l'ensemble stagne pendant une bonne demi-heure, les comédiens sont vacillants (pour un Brialy très pro, on a une ribambelle de comédiens qui jouent faux, qui ne sont pas dirigés, et Karina, comme d'hab, pose pour la galerie avec ses petites mines de mignonne fillette). On a l'impression d'assister plus à une succession de vignettes séparées les unes des autres qu'à un véritable film. Certaines sont bien jolies (le final dans le train, les errances douloureuses de Brialy, les décrochages surréalistes avec les tantes), d'autres parfaitement ridicules (les délires de Brialy en cow-boy ou en G.I. ou de Karina en cosmonaute). Mais malgré l'incompétence du réalisateur, on apprécie ce bain de jouvence dans un cinéma qui se moque de tout, sauf du pouvoir de la jeunesse qu'il filme, sauf de sa culture amoureuse de chansons, de joie, d'amour, de sexe, de littérature et de pubs. Un film tout bancal et nécessaire.

Sans titre

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