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29 janvier 2024

Ciel pur (Chistoe nebo) (1961) de Grigori Chukhrai

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Je ne vous cache pas une certaine dévotion envers Chukhrai, le gars ayant réalisé l’un des plus beaux films du monde avec La Ballade du Soldat (je me répète, mais je suis sûr qu’il y en a encore deux ou trois parmi vous qui ne l’ont pas vu). Une filmo d’à peine une dizaine de films que l’on continue d’explorer avec l’un de ses films « des débuts » (la fin de carrière s’annonçant apparemment plus difficile…) : une somptueuse histoire d’amour en temps de guerre ; la toute jeune Sacha (Nina Drobysheva et ses yeux gris verts) s’amourache d’un jeune pilote d’avion ; le type a déjà une certaine renommée et ce béguin (il est apparu par hasard lors d’une soirée donnée par la sœur de Sasha) semble plus relever de l’ordre du fantasme que d’un amour réalisable – elle semble par trop jeunette face à cet homme déjà accompli . La jeune Sasha ferait sans doute mieux de se concentrer sur un jeunot, blond comme les blés, qui n’a d’yeux que pour elle… Quand ce dernier part pour la guerre, Sasha, toute excitée, lui fait la promesse de l’attendre (On connaît malheureusement la chanson, sortez les parapluies…). Livrée à elle-même au cœur de cette ville bombardée (sa mère est morte, son père s’est engagé dans l’armée, sa sœur et son frère ont trouvé refuge dans une autre ville), elle tombe, dans un abri, sur son tant aimé pilote… Elle ose l’aborder par téléphone et lui filer un rencart… C’est l’amour fou, un amour de prime jeunesse, sous les flocons, alors que la guerre menace… Quelques jours de pur bonheur (une romance sirkienne, osons) avant que le mélo (tout autant sirkien) reprenne la main ?… Une femme, deux hommes, un éternel triangle déceptif ? Mais les rebondissements seront moult et n’allons point trop vite en besogne.

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On aime ces personnages féminins un rien immatures qui courent dans la neige pour s’effondrer dans les bras du gars, qui patientent des heures, le regard alangui, devant ce con de téléphone, qui virevoltent dans les escaliers, qui biffent leur calendrier pour chaque jour d’absence, qui sourient à tout bout de champ à la moindre bonne nouvelle amoureuse, qui se morfondent dans l’attente d’une bonne nouvelle, qui espèrent, toujours, qui font preuve de résilience, qui s’accrochent, qui aiment envers et contre tout… Cette petite Sasha est époustouflante de vie et les dégringolades de piano (la musique des films russes, toute une histoire du lyrisme…) ou les gros plans sur son regard, mi rieur, mi perdu lui rendent bien. On aime ces couleurs vintage qui donnent de l’épaisseur aux flocons de neige et rosissent les joues. Les bords, un rien noirâtre, des cadres, et ces fondus (non point au noir mais au rouge : cela fait son effet) laissent tout de même sous-entendre qu’une large place sera laissée au drame. Et drame, il y aura, et surprises, et choix à faire, cornélien, entre deux hommes qui ont chacun leur grandeur, leur courage, leur caractère. Sasha, dans l’adversité, doit se battre contre les siens (un beauf vieux et réac), doit se battre contre le parti, doit continuer de faire des petits trous dans la ferraille dans son usine pour continuer d’espérer et, un jour, plutôt que voir le bout du tunnel, pouvoir relever la tête vers le ciel, là où son aviateur, d’antan, brilla au firmament - dans son appareil étincelant… Des épreuves, des morts (dont celle de Staline) et l’envie de voir des jours meilleurs rythment ce film mélo-romantique qui repose, sur l’essentiel, sur les frêles épaules de son héroïne. Encore une très belle médaille pour Chukhrai.

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