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27 janvier 2024

Le grand Chariot de Philippe Garrel - 2023

Still-1-Berlin-Approved-The-Plough-Copyright-Benjamin-Baltimore-©-2022-Rectangle-Productions-Close-Up-Films-Arte-France-Cinema-RTS-Radio-Television-Suisse-Tournon-Films

C'est parti pour les films testamentaires de Garrel, on est en droit de sentir le sapin. Il est vrai que le bougre n'est plus vraiment en odeur de sainteté, que ce soit pour ses activités sexuelles (...) ou pour son cinéma, définitivement suranné, d'une autre époque, d'un autre âge. Le grand Chariot est peut-être son film le plus en retrait, le plus pauvre, le plus sobre. Presque le film d'un vieillard retiré au fond de son atelier. Et c'est aussi un film très touchant par là même : sa modestie vous ravage le cœur après cette très longue carrière de paria qui a toujours su se tenir loin des autres. Il se met en scène sous les traits de Aurélien Recoing, père d'une petite famille d'artistes. Fils de marionnettiste, devenu lui-même maître dans cet art, il tente de transmettre sa passion à son grand fils (Louis G.) et à ses deux filles (Esther G. et Lena G.), ainsi qu'à un peintre raté acquis à la cause (Damien Mongin). Mais l'art marionnettique n'est plus à la mode, la petite compagnie vivote. Et quand vient la mort du père, tout se délite. Les allers et retours constants entre réel et fiction fabriquent un joli trouble autour de cette petite cellule familiale fragile : Garrel rend hommage à son père, dirige ses enfants, et se livre lui-même dans cet autoportrait en artisan démodé. Il est question de transmission là-dedans, mais le cinéaste ne fait jamais preuve d'esprit réactionnaire : en se retirant à mi-film, avec la mort de ce père, il semble dire à ses enfants : faites votre vie, en me suivant ou non ; en tout cas, je vous regarde. Et c'est beau comme tout, ce petit message qui passe dans le dénuement total de la trame, dans les minuscules gestes techniques de celui qui sait faire et qui transmet, dans les valses hésitations, les échecs et les succès de cette smala livrée à elle-même.

Le-Grand-Chariot-Visuel-5-©-2022-RECTANGLE-PRODUCTIONS-–-CLOSE-UP-FILMS-–-ARTE-FRANCE-CINEMA-–-RTS-TELEVISION-SUISSE-–-TOURNON-FILMS-1920x804-1

Porté par la musique toujours très mélancolique de Jean-Louis Aubert et le montage "lento" de Yann Dedet, le film ne cède pourtant jamais à la tristesse ou au morbide : Garrel choisit la couleur cette fois-ci, comme pour éviter le requiem ; le jeu des acteurs n'est pas dénué d'humour, notamment Louis Garrel, qui compose un acteur un peu ennuyé par cet artisanat, rêvant de théâtre et de célébrité, mais suivant son père par amour et par fidélité. Dommage que le film se perde trop souvent dans des intrigues sentimentales secondaires inutiles, ou dans des travers que le cinéaste n'a jamais su éviter : son personnage de peintre maudit est nul, et l'acteur qui l'interprète très limité, et ses affres n'ajoutent rien au sujet. Le film a un aspect décousu, nouveau d'un côté par le sujet, et de l'autre habituel chez le cinéaste dans ses goûts pour les écorchés vifs qui commence à avoir fait son temps. Mais le film "principal" est tellement beau qu'on ferme les yeux sur le reste. On regarde passionnément l'enregistrement de ces petits gestes dans des scènes de spectacle de marionnettes très joliment rendues, en se disant que c'est ça que Garrel a voulu transmettre : un savoir-faire avant tout technique, et aussi une mélancolie. On le suit sans problème dans cette voie-là.

Le-Grand-Chariot-Visuel-3-©-2022-RECTANGLE-PRODUCTIONS-–-CLOSE-UP-FILMS-–-ARTE-FRANCE-CINEMA-–-RTS-TELEVISION-SUISSE-–-TOURNON-FILMS-1920x804

Tout Garrel,

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