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16 janvier 2024

SERIE : Il Giornalino di Gian Burrasca de Lina Wertmüller - 1964

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La grande Lina Wertmüller a aussi sévi à la télévision, tant sa soif de filmer quoi qu'il en coûte a pu la conduire dans des territoires improbables. Ici, en l’occurrence, elle nous entraine dans les classiques de la littérature enfantine italiens : ce Gian Burrasca m'a tout l'air d'être chez nos voisins outre-alpins de la même teneur et de la même célébrité que Les Malheurs de Sophie chez nous. Fripon, mignon et désuet, il en a en tout cas tous les aspects vintage. Wertmüller en donne une version dynamique et attachante à travers 8 épisodes bien remplis, qui nous montrent donc les facéties de l'incorrigible Giannino Stoppani, jeune garçon de bonne famille, taquin et farceur mais doté d'un bon fond, qui passe ses journées à dynamiter, souvent malgré lui, les conventions de sa famille et de la bonne société. Rien n'y fait : dès que le bougre s'ennuie, il pense systématiquement à la pire des blagues, celle qui va déclencher le chaos, ruiner une réputation, saccager une réception, humilier père et mère, ou faire trembler les bases sociales de son petit monde. Ça va d'une fléchette plantée dans l’œil de son beau-frère à des pétards planqués dans le cendrier du notaire, de l'échange de lunettes aux fusées d'artifice dans le futal du jeune marié. A chaque fois, l'intention est (plus ou moins) bonne, mais le résultat est catastrophique, et notre brave garçon est plus souvent qu'à son tour condamné à rester cloitré dans sa chambre (où il fomente d'autres farces), quand il n'est pas carrément envoyé chez une cousine (qu'il fait tourner bourrique) ou au pensionnat (qu'il révolutionne joyeusement).

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C'est Rita Pavone, chanteuse à la mode, qui interprète le jeune Giannino, occasion rêvée pour ponctuer chaque épisode d'une foule de chansons aux mélodies imparables (Nino Rota est aux manettes, ne cherchez pas plus loin). La belle bêle ses chansonnettes, ça donne un petit côté encore plus attachant à son petit personnage craquant. De la grande légèreté des premiers épisodes, on glisse peu à peu vers un aspect plus sombre, plus politique même : Giannino menace la réputation de son beauf réputé socialiste en démontant son personnage, oppose aux engueulades ses convictions profondes (il est de gauche et aime la vérité, il est contre les mensonges de la société) et quand il est relégué en maison de redressement, c'est pour lever une révolution des enfants contre les injustices de l'ordre moral, pour dézinguer les superstitions religieuses de ses maîtres et punir les traitres qui leur lèchent les bottes. Quand il est enfermé dans le pensionnat, donc, le film flirte avec les ambiances sombres, très mélancoliques, presque fantomatiques, comme dans ce très beau plan des enfants qui sèment le chaos dans leurs robes de chambre (on se croirait dans Zéro de Conduite). Finalement, sous ses dehors de farce légère et de film pour enfants, Il Giornalino di Gian Burrasca pourrait bien être une défense de l'enfance maltraitée, un manifeste pour qu'on daigne enfin leur accorder de l'attention, un constat sur l'impossibilité de se comprendre entre ce monde et celui des adultes.

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Ou pas. Possible aussi que ce ne soit qu'un divertissement à deux balles destiné à occuper les enfants italiens à l'heure du goûter avec un petit théâtre de guignol domestique. Car les adultes, dans ce défilé de trognes, sont tous des pantins ridicules, grimés comme au théâtre (il y a les longs maigres, les petits vieux sourds, les naines à boutons, les vieilles filles coincées), et c'est assez rigolo de les voir pâtir des farces de Giannino, tout confits qu'ils sont dans leur bon droit et leurs vies fades. Seule parmi eux surnage la mère, sotte mais aimante, seul vrai personnage à être épargné ; avec les enfants eux-mêmes bien sûr, porteurs tous de la drôlerie, de l'astuce, de l'intelligence et même de la bonne foi que les grands ont perdues. Wertmüller s'amuse beaucoup à filmer tout ça, multiplie les scènes de vocifération et les chansons à double sens, organise avec bonheur le désordre dans son petit théâtre, et fait avec ce qu'elle a  : trois décors, cinq comédiens inégaux, peu de temps de tournage. La mise en scène est fonctionnelle, parfois même encore très rivée au théâtre, mis à part quelques jolies profondeurs de champ quand Giannino se fait engueuler. Bon, on ne va pas dire qu'on se marre autant qu'elle, le film est trop démodé pour ça ; mais on regarde avec plaisir ce petit objet d'un autre temps, vrai bon moment de divertissement mené par une équipe compétente.

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