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6 novembre 2023

Lone Star (1996) de John Sayles

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Je gardais un assez bon (et vague) souvenir de Lone Star, cette revoyure ne fait que confirmer la chose, en mieux. Tel un Altman des grands jours, Sayles joue la carte du film choral en plantant son action au bord de cette frontière mexicaine... Un mystérieux corps est retrouvé enfoui dans du sable, avec une étoile de shérif non loin... Un jeune shérif, Sam, sur les traces de son père qui est une véritable légende vivante du lieu, enquête sur cette trouvaille qui ne va pas remuer que du sable... Une ligne narratrice policière, oui, mais surtout l'occasion, annonçais-je, pour Sayles, de donner à voir toute une multitude de personnes issues de diverses communautés : blacks, Mexicains, blancs, espagnols (...) et venant de divers milieux sociaux : flics et politiques, monde de la nuit, petits et gros trafiquants (avec bien sûr l'immigration clandestine en toile de fond), profs... Sayles réussit à la fois à nous faire le portrait de ces communautés, mais aussi de leur histoire : la grande réussite du film étant justement ce jeu constant entre présent et passé, aussi bien au niveau de l'Histoire (de la guerre du Mexique à la présence des Séminoles) que de la petite histoire (nombreux sont les flash-back sur l'époque du père du shérif, lors de ce mystérieux meurtre à éclaircir).

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Sayles, qui maîtrise parfaitement son sujet, se révèle autant capable de nous livrer un petit cours d'Histoire (et de nous faire réfléchir sur l'enseignement de l'Histoire à l'école, ce qui est assez pêchu en soi) que de nous faire réfléchir sur les tensions ethniques du moment - à qui la faute de ces tensions, qui sont les véritables envahisseurs ? Mais l'intérêt du film ne s'arrête pas là : l'aspect thriller est également joliment réussi (l'enquête du shérif (Chris Cooper as Sam) est mené dans les règles de l'art : interrogations multiples des acteurs du temps jadis qui l'emmènent dans divers endroits alentours), la petite romance constamment non-achevée entre Sam et son amour de jeunesse (une prof issue de l'immigration) tient toute ses promesses (nostalgie, secrets cachés, révélation de poids...), et chaque individu (même celui que l'on ne voit que deux-trois fois) a l'occasion au cours d'une scène marquante de poser son personnage ; il est intéressant d'ailleurs de voir la trajectoire opérée par certains d'entre eux qui "s'humanisent" en cours de route (le colonel ou Mercedes Cruz, femme de pouvoir et d'influence) ou la progression qui s'opère autour de la figure du père (véritable légende ou légende en carton ?) ; on a droit également au passage à un intéressant portrait d'un salaud absolu, Kris Kristofferson donnant à Charlie Wade, ex flic, une magnifique aura d'ordure. Les dialogues ne sont pas en restent et Sayles nous livre quelques solides morceaux de bravoure teintés d'ironie : la discussion entre la soldate qui se fait choper pour usage de drogue et le colonel, les confrontations entre le maire (terre-à-terre, pragmatique) et Sam (un brin idéaliste...), l'échange délirant entre Sam et son ex-femme (Frances McDormand toujours aussi hallucinée en bi-polaire girl) ou les apartés finales entre Sam et l'amour de sa vie...

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Petite cerise sur le gâteau, Sayles nous gâte au niveau formel en jouant justement sur le peu de frontière, sur la porosité (le fond et la forme, c'est cela oui), entre présent et passé : au cours d'une même séquence (un plan-séquence, donc), dans un même lieu, la caméra part sur les acteurs qui discutent dans le présent de narration pour glisser, en panotant simplement de quelques centimètres, sur une action qui s'est déroulée dans le passé, avec les acteurs d'alors. C'est un processus qui n'est pas totalement révolutionnaire certes (même Allen l'utilisa...) mais qui est ici à la fois parfaitement réalisée, souvent inattendue, et surtout pleine de sens... Comment le passé et le présent sont intimement liés, c'est là tout le sujet du film, aussi bien du point de vue de la "reconnaissance" actuelle de certaines communautés que de l'histoire personnelle de certains individus - fallait-il justement remuer ce passé ? C'est là forcément le point d'achoppement de ce film qui apporte à la question de multiples réponses (poids des communautés actuelles et respect que l'on doit à leur égard, un légende doit-elle rester une légende, tous les secrets sont-ils bons à révéler ? - non, ou oui, à voir comment on peut s'y adapter...). Tout cela s'imbrique avec une grande fluidité et la direction d'acteurs est au diapason. Bref, belle re-découverte. 

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