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21 octobre 2023

Dans la Nuit de Charles Vanel - 1929

Dans-la-nuit

Une réputation de grande œuvre maudite suit ce film rare, comme si on avait caché tout ce temps-là un Von Stroheim dans nos rangs : un chef-d’œuvre oublié, qui a eu le malheur de sortir en même temps que Le Chanteur de jazz et fut de ce fait envoyé immédiatement aux oubliettes de l'Histoire, et qui a dégouté notre Charles Vanel de retenter le coup du metteur en scène. C'est donc en se léchant les babines qu'on entame la vision. On en revient un peu partagé, je vous l'avoue. Certes, il y a un incontestable talent de mise en scène chez Vanel, qui sait toujours cadrer avec beaucoup de justesse, qui se permet même quelques prouesses techniques, qui a un sens du détail fort et visuel. Mais les gros défauts de rythme, le scénario très improbable, le montage assez flou, déçoivent tout de go.

Vanel_danslanuit

Le film démarre sur une scène mille fois trop longue, et qui alourdit d'entrée de jeu le rythme : un ouvrier se marie. Dans un contexte parfaitement rendu de chantier dans une carrière, qui montre un regard documentaire parfaitement en place, Vanel filme la noce dans tous ses détails, et c'est un peu Renoir qui est convoqué. Ces petites ambiances de fête, de badineries, de soulographie, de mignon amour, sont certes parfaitement rendues, mais notre bougre ne sait pas s'arrêter. Même si on adore certains petits détails (l'homme qui ne peut plus bouger parce que sa femme s'est endormie sur ses genoux, l'ivresse de la fête représentée par la caméra installée sur le manège, l'ivrogne à la traine dans le rue...), on se dit que le film a du mal à aborder son sujet, et que cette exposition est un peu trop longue (25 mn sur les 75 mn de métrage !). En tout cas, Vanel s'y montre délicieusement sentimental et plein d'acuité pour décrire ces petites gens de peu, qui bossent à la dure et se précipitent le samedi soir au bistrot. Une tendresse pour ces gens-là qui transparait à chaque seconde.

images-w1400

Ensuite, enfin, le gars aborde son drame : une explosion accidentelle à la mine, et voilà notre ouvrier défiguré, et contraint de porter un masque pour cacher sa laideur. Ce qui était une histoire d'amour mignonne se transforme en horreur, puisque sa femme est tentée par l'infidélité, incapable qu'elle est de vivre avec cet homme monstrueux et déprimé. L'image s'assombrit façon expressionnisme, la trame se teinte d'un net vernis fantastique, finie la liesse. La belle idée, c'est ce masque qui s'échange sans arrêt entre mari et amant, véritable objet-fétiche effrayant et d'un réalisme cru. Encore une fois, les atmosphères sont parfaites. Mais le film stagne un peu, ne sachant pas trop quoi raconter une fois son ambiance anxiogène mise en place. On ne s'ennuie pas vraiment, parce que visuellement le gars sait faire des plans intéressants, sait cadrer, sait même diriger ses acteurs. Mais c'est trop lent, notamment à cause de ces fondus au noir très bizarres qui découpent les scènes un peu au petit bonheur. Pourtant, même au montage, le film est audacieux, ménageant par exemple de beaux montages alternés entre le lieu de travail et le lieu intime. C'est l'histoire qui ne tient pas, jusqu'à ce final franchement ridicule qui clôt le film sur une note positive malgré tout mais qui tombe comme un cheveu dans la soupe. Il y avait sûrement quelque chose à attendre du Vanel-réalisateur, et on regrette qu'il n'ait pas su développer ce talent-là. Mais ce film n'est qu'une intéressante ébauche de ses possibilités.

Sans titre

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