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14 septembre 2023

Grande petite de Sophie Fillières - 1994

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Ouille, on tombe de haut en découvrant le premier long-métrage de Sophie Fillières, et on se rend compte que l'équilibre très fragile qu'elle a su obtenir par la suite était magique : il y a peu entre le grave et le ridicule. Le ridicule, elle y est en plein dans Grande petite, qui tente de faire dans l'absurde et la fantaisie et tombe très vite dans le pensum bobo le plus turpide. Scénario en lambeaux, qui ne sait pas trop quoi raconter, acteurs têtes à claques, dialogues exsangues : la cinéaste rate tout ce qu'elle réussira miraculeusement demain. Il faut dire qu'elle ne s'est pas gâtée en choisissant comme personnage principal cette fille antipathique en diable, dont on rêve du début à la fin de botter le cul. Bénédicte est une jeune fille d'aujourd'hui (bon, de 1994, donc), crispante et mal dans sa peau, jolie et rendant chèvre ses partenaires masculins, sa mère, et sa copine pourtant pleine de bonnes intention. Harcelée par un ex, elle se réfugie dans une cour d'immeuble, et y trouve un sac contenant un pactole de 500000 francs en petites coupures, ainsi qu'un flingue. Cette découverte va la plonger dans le désarroi, et la mener à revoir sous un autre jour ses amants : celui qui l'attend à la sortie de chez elle et fait une fixette sur elle (Emmanuel Salinger), celui qui lui sert de psy, d'infirmier, de confident et de souffre-douleur (Hugues Quester), celui qui l'a quittée et qu'elle revient tourmenter (l'excellent Philippe Demarle). L'argent valse, les questions existentielles aussi, les caprices surtout : Bénédicte est insupportable, manipulant avec délices tout son entourage, mettant tout le monde à son service, se plaçant (avec l'aide de ce trésor tombé du ciel) au centre de l'univers. C'est Judith Godrèche qui se charge courageusement de cette plaie de personnage, et son côté mollasson, ses grands yeux de biche, sa petite voix de gamine, ses moues de colère quand on la contredit, ses petites colères poings serrés, sont parfaits pour rendre compte du narcissisme de son personnage.

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Oui, mais voilà, à protagoniste détestable, film qui prend le risque de l'être aussi. On ne sait trop de quel côté penche Fillières, ni si elle a réellement voulu faire un portrait presque tragique d'une fille perdue ou une comédie chargée d'humour à froid. Toujours entre deux chaises, le film cherche son ton, entre un Doillon et un Donzelli, si vous voulez. On ne rit jamais, malgré l'absurdité de quelques situations et les excès de certains personnage (Hélène Fillières fait tout ce qu'elle peut pour trouver sa place là-dedans) ; aucune émotion ne point, tant tout est verrouillé par ce comportement crispant du personnage principal ; et on n'en ressort guère différent qu'au départ, tant cette histoire nous est passée à 10 km au-dessus. Certes, on reconnait ça et là un ton très original, un manière de nous mettre en déséquilibre par rapport à ce qu'on voit, un goût pour la surprise qui, mieux maîtrisé, fera des merveilles plus tard. Mais tout ça reste beaucoup trop adolescent pour faire autre chose qu'énerver. Fillières, avec ce premier film, ne s'est pas encore extirpée de son milieu bobo, et n'a pas encore trouvé son ton. On l'excuse, ça va de soi.

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