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5 septembre 2023

Beau is afraid d'Ari Aster - 2023

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Changement de genre mais goût pour le malaise intact chez Aster, qui, bien dopé par ses succès et par l'obtention par la presse du qualificatif de génie, se croit prêt à nous livrer son grand Œuvre dès son troisième film. Trois (longues) heures de durée, un scénario d'une ampleur impressionnante, 80000 effets de mise en scène, une thématique puissante : Aster fait son Lynch, son Kubrick, son Lanthimos... et se vautre en grande partie dans le ravin. Pour tout dire, son film impressionne pendant presque une heure, ce qui n'est déjà pas si mal. Dans toute sa partie "dystopique", celle qui ouvre le film, il est même vraiment fort. Nous voici donc dans la tête de Beau, homme à la psyché complètement éclaté entre paranoïa du monde extérieur, complexe d'Oedipe mal assumé, perte du père et débuts de psychose sévère. Gavé de médicaments, notre brave garçon voit le monde extérieur comme une jungle où se croisent serial-killers sanguinaires, flics hystériques, voisins psychopathes et dangers à chaque coin de rue. Ce cauchemar urbain est mis en scène avec une force visuelle impressionnante, Aster nous montrant la folie furieuse de son héros à travers un chaos de bruits, de formes, d'images traumatiques parfaitement horrible. On ne sait pas si on est dans un essai SF apocalyptique, dans le délire d'un homme fou, dans une satire du monde contemporain poussé à bout comme par un Terry Gilliam en roue libre ; on ne sait même pas si on est en droit de rire à ce gros délire monstrueux, et on retrouve avec plaisir la vision entre grosse farce macabre et horreur de l'auteur de Midsommar. On tique bien un peu devant le jeu de Joaquim Phoenix, le genre de truc fatigant tout de construction d'acteurs, mais on apprécie vraiment la cohésion de cette vision, et la façon très impressionnante dont Aster la met en scène, avec des plans inquiétants, lents, prenants.

Sans titre

Malheureusement, ça se gâte assez vite. Une fois Beau chassé de son appartement et balancé sur les routes, le film bloque complètement et se heurte sur des murs. A vouloir trop en faire, Aster finit par nous écœurer d'effets et de scènes impressionnantes. Il mélange tout, films d'animations, films d'horreur, mysticisme, symbolique, humour, avec pour seul mot d'ordre : nous surprendre sans arrêt, nous malmener de surprises en surprises. Certes, on en a, des surprises, et parfois de bien belles : il suffit que le gars cadre un corps qui court vers la caméra, un autre vouté devant une porte fermée, le visage vieilli de Phoenix tendu entre les trois masses de ses fils, un geste qui se suspend légèrement au-delà de la limite, pour qu'on retrouve immédiatement le grand metteur en scène. Très éprouvant, nous secouant façon montagnes russes, parfois assez génial, parfois ridicule, Beau is afraid est une expérience sensorielle qui ne sait pas s'arrêter. Car en trois très longues heures, Aster se pique de nous fabriquer une "fresque psychologique" qui devient vite très lourde. Si vous arrivez à passer l'interminable séquence centrale, sorte de petit Freud illustré, il vous faudra encore vous fader des scènes boursouflées de style sur les rapports à la mère, sur l'impuissance sexuelle, sur la recherche du père, sur la culpabilité et le masochisme du personnage, le tout dans un dispositif scénique qui ferait passer Brazil pour du Bresson. Un galimatias psychologico-new age qui tombe littéralement des yeux. On a beau aimer la mise en scène, toujours inventive, l'écriture, prétentieuse et mégalo, en bousille toute la beauté. Même la fin, qui voit la confrontation de Beau avec sa mère (on se souvient du génial Hérédité), déçoit par ses excès formels et scénaristiques, arrivant après deux heures et demi épuisantes qui nous a bouffé tout le cerveau.

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