Noël blanc (White Christmas) de Michael Curtiz - 1954
Shangols joue la contre-programmation en ce mois d'août en vous proposant le film le plus sirupeusement noëlique du monde, le genre de machin où le moindre flocon de neige tombe au son d'une musique angélique, sous le sourire béat d'acteurs tout en gentillesse bon enfant. Là, en plus c'est une comédie musicale, autant vous dire alors qu'on n'aura pas droit à de gros soucis traumatiques après la vision. Voici donc deux anciens potes de l'armée qui décident de monter un duo de music-hall, qui connait vite le succès. Ils rencontrent deux girondes sœurs elles aussi danseuses et chanteuses, décident que tant par le talent que par le fessier elles les intéressent, les suivent dans le Vermont, et montent avec elles le plus fantastique spectacle qu'on ait vu de mémoire de montagnard. Le tout sur fond de petits caprices féminins, de gros sabots masculins, et d'hommage à leur ancien général en retraite : oh la la que de soucis sous le soleil, tant dans la préparation insensé d'un gros spectacle en pleine campagne que dans la gestion des tourments sentimentaux des uns et des autres. Je vous rassure tout de suite : ça se terminera par des grosses pelles échangées sous le sapin, sur fond de paysage édénique recouvert de neige, au son d'une chanson nostalgique qui aurait fait vomir Richard Clayderman tant elle est sucrée.
Bah c'est Hollywood en plein, c'est-à-dire le genre de produit programmé pour vous faire oublier vos soucis, si possible dans les bons sentiments les plus œcuméniques. Mission réussie donc : le film est d'une gentillesse totale, baignée d'une lumière de studio étudiée au millimètre, rempli de personnages bien coiffés et costumés grand crin qui virevoltent et poussent la chansonnette en vrais professionnels. Ça joue sur la nostalgie des Noëls de notre enfance (innocents et blancs, donc), en même temps que sur un chauvinisme un peu gênant et un éloge de l'armée et de sa solidarité. Tout le truc repose sur le fait qu'il faut monter un gros spectacle à la barbe du général pour qui il est organisé, sans qu'il soit au courant car sa modestie en serait touchée. Or, le film se dirige entièrement vers ce mélodrame que les personnages veulent absolument éviter, et nous en donne effectivement pour nos larmichettes dans sa dernière bobine. Aaaaah les hommes entre eux, c'est bien bordel, même si les gonzesses c'est sympa aussi. Bing Crosby et Dany Kaye, vedettes du moment, ajoutent leur physique de premier de la classe et leur blagues à deux balles au tableau. Certes, ils dansent pas mal, certes ils ont une voix de crooner, mais leur jeu de comédien est désolant, et le scénario leur octroyant des scènes sirupeuses à mort, ils s'enterrent eux-mêmes assez vite. Face à eux, deux oies blondes leur servent de faire-valoir, bon, on n'est pas dans les grandes heures de l'Actor's Studio.
Restent les nombreux morceaux musicaux, heureusement. On apprécie l'élégance des chorégraphies, pas seulement dédiées aux quatre protagonistes principaux mais qui donnent la place aussi aux danseurs secondaires (tiens, on aperçoit George Chakiris), et on salue l'invention de certaines d'entre elles (le ballet en duo dans lequel tente de s'immiscer un troisième larron, très bien foutu). Les chansons sont mièvres, oui, mais certaines sont elles aussi bien troussées, et chantées avec talent. Et puis on a le droit d'aimer aussi ce cinéma de déconnexion d'avec le réel, et cette période où Hollywood était une usine à rêve assumée comme telle. Le film le moins grave de la chrétienté, c'est vrai, mais pas le plus moche, définitivement.