Barbie de Greta Gerwig - 2023
Si vous n'en avez pas eu assez de la pub monstrueuse autour de la sortie de Barbie, on vous conseille d'aller voir le film : c'est la même chose en plus long. Mattel se paie en effet un panneau publicitaire grand format avec ce film tout à sa gloire, qui tente ni plus ni moins l'impossible : effacer en deux heures de temps 50 ans de mauvaise réputation, transformer le personnage le plus conventionnel de la terre en icône féministe, et en sortir avec les honneurs. Barbie, c'est cette poupée blonde aux formes académiques dans laquelle toutes les gamines se sont projetées afin de devenir plus tard de bonnes petites MILF soumises et jolies. Aujourd’hui, elle découvre les ravages que son image a produits dans la vraie vie, et se rebelle. Non, elle ne se soumettra pas à ce crétin de Ken (représentant de la gente masculine, on le sait prédatrice, concon, paternaliste et bornée), oui elle saura concilier sa vie mondaine avec ses copines et ses convictions politiques, et oui elle effacera des siècles d'asservissement féminin et se fera enfin greffer un appareil génital. Ce ramassis de clichés bas du front vous est offert par Mattel pour tout achat d'un billet de cinéma, quitte à vous laisser bouche bée.
On connaissait l'appropriation intellectuelle ; on est là face à une récupération en bonne et due forme. Dans un premier temps, ça fonctionne plutôt correctement, le personnage étant traité comme il se doit : bête, superficielle et vivant dans un monde rêvé et rose bonbon. Il faut certes aimer la bouillie visuelle (le film est super laid), il faut aimer en prendre plein la tête de détails microscopiques disséminés par milliers sur un écran géant, il faut aimer le montage épileptique aux plans qui ne durent qu'une seconde. Mais si tel est le cas, on peut même apprécier cette traduction fun et joyeuse des aventures de la blonde de service. La première scène est même un audacieux pastiche marrant de 2001, on se dit que Gerwig va imprégner un vrai ton à ce film de commande. Oui, mais non : très vite, on est obligé de déchanter : Barbie, atteinte d'un curieux mal-être, se rend compte que la fillette qui l’utilise comme jouet doit avoir des problèmes, et elle décide donc de partir "in real life" à la rencontre d'icelle. Elle découvre alors à occasion que son personnage, loin d'inspirer les petites filles, est devenue un archétype réactionnaire. Elle décide donc d'inverser la tendance, de devenir woke et concernée, de brandir sa sororité en étendard, et elle rassemble toutes les Barbie créées dans l'histoire à ses côtés. Ce qui s'annonçait comme une variation autour du joli thème du vieillissement (on songe à Toy Story à mort quand Barbie découvre la "fillette" qui joue avec elle) devient alors un gloubi-boulga de clichés sur le féminisme, une sorte d'exposé pour les enfants, une suite de conventions bien pratique pour faire croire à une sincérité tout en étant dans le coup.
En parallèle, Ken découvre les vertus du patriarcat, lui qui a toujours été soumis à son alter-ego féminin. C'est mal. Ryan Gosling le joue en marionnette complètement con, on a donc aucun mal à voir que c'est mal. Ajoutons à ces trames principales plein d'autres pistes qui finissent par transformer le film en chaos absolu. Non seulement visuellement on frôle l'épilepsie, mais dans le nombre de trames, dans la profusion de volontés des scénaristes, c'est l'overdose totale. Ça et là émergent bien quelques répliques plus piquantes, un ou deux gags un peu sentis, mais tout ça ressemble à un bon gros placement de produit roublard, un bon gros coup de pub, et un bon gros ripolinage des choses qui fâchent. Putassier et mercantile.