Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
11 juillet 2023

LIVRE : Le Livre de Daniel (Het boek Daniel) de Chris de Stoop - 2020

826dff8b98494d2141e91e3db9fb90f503ed18fab318184efd661cde3c615b91Bien douloureux, ce livre, en ce qu'il met à jour un triste fait : cette chienne de vie regorge d'existences anonymes, ignorées de tous, qui semblent compter pour du beurre. En tout cas, Daniel Maroy, lointain parent de Chris de Stoop, fait partie de ceux-là. Vieux paysan célibataire et isolé, vivant dans un dénuement complet, ne sortant qu'à de rares occasions pour aller faire trois courses et papoter avec une ou deux personnes, il a la tête de l'emploi pour finir sa vie oublié de tout le monde. Et c'est effectivement le cas : le jour où une bande de jeunes désœuvrés du village décide d'aller lui piquer son fric et l'occire par-dessus le marché, ça ne fait pas beaucoup de bruit : on enterre le vieux dans une fosse commune et adieu. A l'occasion du procès de ces jeunes assassins, de Stoop, seul parent du vieux, se penche sur cette minuscule vie, et sur cette triste fin, comme un mausolée enfin dressé pour Daniel. C'est sous le signe de cette tristesse et de cette dignité que se déroule ce beau texte journalistique, hanté par la présence-absence du gars. A la fois portrait d'un certain âge disparu de la ruralité et de la paysannerie et chronique sociale d'une poignée de jeunes qui, sous l’effet de groupe, ont commis des horreurs, Le Livre de Daniel est à la fois précis dans son enquête et touchant dans son indignation cachée. De Stoop y touche avec sensibilité à la nature de ces petites villes où tout le monde se connaît, où tout le monde s'ennuie, où tout le monde est dans la dèche, et dresse un constat d'une belle dignité : sans colère, sans rancune, avec une mesure qui lui fait honneur, il ne veut qu'une chose : qu'on se souvienne quelques instants de cet anonyme mort sous les coups pour quelques billets, de sa ferme brûlée, de sa poignée de vaches et de son monde, modeste peut-être mais précieux. Bien équilibré entre relation du procès des assassins, narration de la vie de Daniel, considérations sur la disparition du monde paysan, et enquête précise sur les faits, autant de directions qu'il imbrique avec maestria et fluidité dans un récit sans une once de gras ou de répétition, l'auteur nous sert ni plus ni moins qu'un plan en coupe d'un certain état de la société et de l'écart qui se creuse entre jeunes et vieux, entre nantis et pauvres, avec cette conclusion : ce sont des pauvres êtres qui assassinent d'autres pauvres êtres au bout du compte. Joli et juste livre

Commentaires
Derniers commentaires