The Last Cartoon de Bertrand Mandico - 2022

Le moins qu'on puisse concéder à Bertrand Mandico, c'est d'avoir un univers. S'il vous en fallait encore une preuve, allez faire un tour dans son nouveau court-métrage, réalisé en l'honneur du festival de Locarno. Je vous laisse le temps... Ça y est ? Bien, alors maintenant, retenez ce filet de bave et discutons, si vous le voulez bien, des tenants et aboutissants. Qu'est-ce que c'est que ce machin ? Je ne sais pas trop moi non plus, mais je ne puis que confesser qu'il me laisse aussi interloqué que joyeux. Interloqué par la forme d'abord : une série de tableaux cyber-punks, empruntant autant à l'imaginaire wagnerien qu'à l'imagerie rock-métal, autant aux délires d'un Jodorowsky qu'aux visions d'un Dali. Dans un joyeux fracas de phrases parfois très drôles ("Les vegans se mangeront entre eux", "L’avenir sera gazeux et l’espoir chewing-gum"), parfois glaciales ("Le cinéma est un singe qui joue avec son argent dans une chambre dévastée"), Mandico opère une symphonie tordue de signes sonores et visuels, mis en scène au millimètre, avec une force impressionnante. Son univers est peut-être barré, mais il se donne les moyens de le rendre concret, et on reste épaté devant cet imaginaire hyper-personnel, qui n'est pas un simple héritier des clips, mais qui doit autant à la littérature, à la musique, à la peinture, à la BD, qu'au cinéma. Le fond du film d'ailleurs, travaille sur la mort du cinéma, mais à l'instar d'un Godard, il instille dans cette réflexion mélancolique pas mal d'humour, grâce à ses mises en scène iconoclastes et complètement branques. Le veux monde pourrit, il n'en reste plus que quelques motifs punks, quelques stridences, quelques détails : c'est ce que semblent dire ces dix minutes hors de tout, apocalyptiques, anarchistes et rock'n roll. On est bien d'accord avec elles.