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8 février 2023

LIVRE : Les Dangers de fumer au lit (Los peligros de fumar en la cama) de Mariana Enriquez - 2019

4433571a44098b58f662b873b483bd13d45d13f5a0e6931ef532b811a7f87633L'Argentine, ses fantômes, ses enfants disparus, ses enlèvements en pleine rue, ses femmes qui dansent seules (comme chante Sting)... C'est sur ce terreau propice à l'imagination que Mariana Enriquez construit les 12 nouvelles de ce recueil intrigant. Toutes ont comme point commun la disparition, l'angoisse de voir un jour disparaitre un être cher et de ne le retrouver jamais... à moins que ce soit sous la forme d'un revenant implorant et triste qui ne cesse de vous harceler. Malgré ce terreau commun, qui pourrait être lassant à force, le livre n'est jamais répétitif ou ennuyeux : Enriquez est dotée de la plus grande imagination du monde, et parvient à livrer 12 variations sur le sujet sans jamais se répéter. Et ces variations sont passionnantes : ces textes, hantés, s'appuient fortement sur le folklore du pays, y ajoutent une touche de mysticisme, et plongent ce bouillon dans le monde d'aujourd'hui, cette Argentine mythologique peuplée de croyances, de sorcières ou de zombies. L’écriture est ultra-simple, fonctionnelle même parfois ; mais c'est pour mieux se mettre au service de ces petits scénarios diaboliques qui vont loin dans la perversion. On lit ces textes happé par l'atmosphère délétère, fantastique, morbide qui s'en dégage, mais aussi par la construction souvent très habile. On aime par exemple cette histoires d'enfants enlevés et réapparaissant sous le forme de petits fantômes envahissants : sont-ils dangereux ? préparent-ils un acte funeste ou ne sont-ils que des poids morts, que des présences venues là pour rappeler les violences du pays ? On aime aussi ce vidéaste engagé pour filmer les visions d'une possédée : du pouvoir de la croyance et des limites du cinéma. On aime ces deux filles cannibales ayant mangé le cadavre de leur idole, un chanteur de pop sataniste à la con, et devenant à leur tour des icônes. On aime ce caddie, objet le plus trivial qui soit, qui se transforme en vecteur de malédiction sur tout un quartier. On aime tous les textes, quoi. A chaque fois, Enriquez s'appuie sur le contexte politique délétère de son pays ; corruption, mafia, misère sociale, inculture, exploitation des enfants, passé politique lourd, pour raconter une trame vénéneuse et très prenante. Il y a du Edgar Poe dans ces nouvelles affreuses, glaçantes et gothiques : une vraie réussite, un vrai cauchemar.

Commentaires
D
Je pense que ces nouvelles pourraient me plaire. J'ai lu les avis du Bison (blog Mémoires de Bison) et d'Audrey (blog Lire & vous). Le recueil semble faire l'unanimité
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K
Je veux bien croire que ce ne soit jamais ennuyeux, (et toujours glaçant). J'ai lu "Ce que nous avons perdu dans le feu", et été subjuguée et effrayée à la fois. Je récidiverai, bien sûr.
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