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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
13 septembre 2022

Ogre d'Arnaud Malherbe - 2021

OGRE - 1ere photo - Crédits Kris Dewitte

Il y a quelque chose d'un peu absurde de parler d'une telle médiocrité cinématographique à l'heure de la mort de JLG, j'en suis bien conscient, mais que voulez-vous, on tente de croire que le cinéma n'est pas tout à fait mort avec notre idole helvète, alors on essaye des trucs... Saluons d'abord, comme d'habitude, le louable effort de Malherbe d'aller s'aventurer sur les chemins peu balisés du fantastique à la française. Et de le faire sérieusement, conscient des recettes du genre transmises par ses aînés autant que de son appartenance à une tradition hexagonale avec son ancrage dans les territoires, sa psychologie, sa véracité, etc. Bon, après, qu'il rate son film, ça arrive...

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Chloé (Ana Girardot, toujours pas ça) est une institutrice débarquant dans un village reculé du Morvan avec son gosse. Fuyant un passé douloureux, elle tente tant bien que mal de gagner l'affection de cette communauté refermée sur elle-même ; si elle y arrive parfois (côté du maire ou côté du médecin de village, qui semble en pincer pour elle), ça grince plus du côté chasseurs ou du côté camarades de classe de son fils, méfiants et hostiles. D'autant que le village semble gagné par d'inquiétants événements : un enfant disparu, un loup qui dévore des veaux, une mystérieuse présence nocturne, et un monstre aperçu par le gamin. Malherbe tente le coup de la lente montée de l'angoisse, avec les moyens du bord, qui sont judicieux : la bande-son, très habile, est rendue d'autant plus inquiétante que le gosse est sourd, et n'entend les bruits qu'étouffés ; le gusse joue beaucoup sur la suggestion, le hors-champ, le presque rien, le c'est bien possible et le probablement pas ; et le contexte, très réaliste, fait la part belle à l'étrange plus qu'au fantastique, au conte rural plus qu'à la débauche d'effets spéciaux. Le choix de raconter cette histoire par le prisme d'un enfant un peu "isolé" par sa surdité et l'incompréhension des adultes est judicieux, tout comme l'est le dessin de cette famille éclatée qui tente de se retrouver : on sent bien que derrière ce conte autour de la bête sauvage, du monde rude de la campagne, de l'ostracisme, se cachent une histoire intime et un drame personnel plus ample. On est donc bien dans le cinéma français.

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Mais voilà, à force de retenir ses effets, de retarder sans cesse son dénouement, de tourner autour du pot, de nous donner à voir sans voir tout en voyant, le film devient trop long, assez ennuyeux, pénible. Une fois qu'on a compris le contexte, qu'on est rentré en empathie avec ce petit duo perdu dans un monde hostile (ou trop accueillant, c'est pareil), on aurait besoin que Malherbe passe à la vitesse supérieure, épaississe son mystère, nous fasse frissonner. Or, de cela point : tout empêtré qu'il est dans ses portraits de personnages secondaires caricaturaux (un chasseur alcoolo et xénophobe, un maire débonnaire, un médecin ambigu) et dans son soin à rendre son contexte authentique, et à force aussi de se prendre au sérieux (le film n'a aucun humour, aucun recul), il oublie de rendre tout ça passionnant. Cette histoire d'ogre caché dans la forêt s'oublie, tout se délite, et on ne sait même plus de quoi on devrait avoir peur exactement... si bien qu'on n'a plus peur du tout. Comme la mise en scène est soit trop plate, soit trop kitsch (le flash-back au ralenti, quelle horreur), on a très vite plus rien à se mettre sous la dent. Un ratage malgré les bonnes intentions de départ. Je préfère Week-End.

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