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25 novembre 2021

Cry Macho de Clint Eastwood - 2021

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30 ans que Clint Eastwood nous fait des films testamentaires, il était temps de justifier quand même l’appellation, et de tirer enfin sa révérence (je doute tout de même qu'il fasse encore un film après celui-là (mais je disais déjà ça du temps d'Impitoyable)). Cry Macho est en tout cas le prétendant idéal pour jouer le rôle d'adieu au cinéma de Clint, recensant finalement pour un dernier tour de piste pas mal des inspirations du maître, convoquant les fantômes de quelques-uns de ses grands chefs-d’œuvre, jouant en mode (très) mineur la minuscule mélodie qui l'a finalement accompagné toute sa vie. Une pincée de Un Monde parfait dans ce rapport entre un vieux marlou et un gamin, une lichette de Sur la route de Madison avec ce vieil homme dansant dans une lumière tombante avec une femme triste, un brin d'Honkytonk Man avec cette traversée de territoire sous le signe de la transmission inter-générationnelle, un soupçon de Pale Rider avec ce néo-western métaphysique, et même une nuée de La Mule avec cette histoire de traversée de frontière avec un paquet indésirable : je vous le dis, il y a tout Clint dans ce film de vieillard qui jongle agréablement avec les motifs et les grands thèmes de sa vie. Le plus fort étant qu'il le fait dans une œuvre très effacée, qui enlève à peu près tout pour ne garder que l'essentiel : un vieil homme, une légende du cinéma, qui meurt sous nos yeux.

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En effet, le film est tout de même bien piteux par tous ses autres aspects. Au niveau du scénario surtout : cette histoire de vieux croulant traversant le Mexique pour aller récupérer un adolescent et le ramener à son père est une joue tendue pour que s'abatte la gifle du bon sentiment, et ça ne manque pas : il y a dans ce duo désaccordé vieux cow-boy buriné et taiseux / jeune mec en rupture de ban quelque chose que Clint ne parvient jamais à rendre intéressant, à cause d'une écriture sans sève, qui ne dégage aucun moment saillant, aucune émotion. Clint se contente donc de tenter de nous tirer des larmes avec des maximes de pépé assénées à la jeune génération, mais ses leçons de virilité hors d'âge ringardisent complètement le film. Le scénario est dépourvu de scènes d'action, de scènes d'amour, de scènes de comédie, c'est une vraie épure, mais qui devient du coup très fade, sans sel, sans tension, dénervée au possible. Il faut dire que Clint, très diminué, n'est plus que l'ombre de lui-même, et qu'il s'est trouvé comme partenaire de jeu un gosse affreux, mauvais comme un cochon, sans aucun charisme. Heureusement, pour cette fois, les femmes sont un peu mieux traitées, ce qui est quasiment une première dans son cinéma : non pas tant Fernanda Urrejola, qui a bien du mal à nous faire croire qu'elle tombe sous le charme du vieux Clint et tient à l'allumer comme une torche vivante ; mais cette Natalia Traven est une bien belle quinqua ma foi, en charge d'un rôle pas si éloigné de celui de Meryl Streep jadis : la femme empreinte de sagesse qui danse au fond d'une cuisine avec son cow-boy. Bon, cette jolie image un peu glacée ne suffit pas à nous satisfaire, et on grimace sans arrêt devant les maladresses de jeu, les scènes ridicules (Clint qui mate un cheval, Clint qui te met des mandales dans la tête des méchants) et la pauvreté générale de la réalisation et de l'écriture, qui montre un Eastwood qui a perdu tous ses moyens.

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Mais les quelques minuscules trucs qui restent sont très beaux. Par-delà cette histoire déjà vue, ce que Clint parvient à nous faire ressentir, c'est sa présence à lui, physiquement ; et Cry Macho est peut-être plus un film sur lui qu'un film tout court. Il nous montre très frontalement comment il marche aujourd'hui (200 mètres à l'heure), comment il fronce ses sourcils (son expression favorite), comment il joue avec ses partenaires, simplement ; et c'est très beau de regarder cette légende rendue presque à l'état de squelette faire ainsi ses adieux à un personnage et à lui-même. Dans la simple observation de l'acteur, on voit tout un pan de cinéma s'éteindre. Et quand les mustangs courent en parallèle avec la voiture du gars, on a l'impression que c'est le western qui revient faire un dernier baroud, et que c'est son passé qui court à ses côtés. A l'instar des meilleurs westerns, c'est dans les scènes immobiles, les scènes de transition, qu'on voit si un film est bon. Cry Macho n'étant constitué que de scènes immobiles et de transition, on peut considérer qu'il est bon, Eastwood s'y laisse aller à une profonde mélancolie qui touche juste. Tant pis si tout ça a des allures de film "de trop", de "grand film malade" comme disaient les Cahiers, tant pis si tout ou à peu près est raté et poussif : on est là face à un Grand.

All Clint is good, here

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