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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
19 novembre 2021

Ingmar Bergman gör en film (1963) de Vilgot Sjöman

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Cinq ans avant de réaliser le diptyque Je suis curieuse, Sjöman, alors critique, décide de suivre le travail de Bergman sur Les Communiants ; en résulte un doc en cinq parties, l'une consacrée au manuscrit, deux au tournage, la quatrième à la post-prod et la dernière à la Première. C'est un Bergman (déjà au sommet de son art) pour le moins détendu qui le reçoit et qui répond tranquillement à ses questions quelle que soit leur pertinence. Deux heures trente en présence du maître qui se livre comme rarement sur sa conception du cinéma, c'est forcément bon à prendre et bougrement intéressant par certains aspects évoqués et débattus.

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On attaque donc avec le "manuscrit", une partie un peu décevante en soi, de prime abord, puisque Sjöman interroge Bergman alors même que le script est achevé - certes, ce n'est pas forcément passionnant de voir un type écrire en silence, pas plus qu'une course de sous-marins filmés en surface... on aurait tout de même bien voulu voir notre homme en crise d'inspiration, ou noircir des pages comme un fou-furieux, ou raturer ses dialogues... On n'assistera point à cela mais on aura droit tout de même à une interview d'Ingmar assez pêchu sur sa relation (ambiguë et évolutive) avec Dieu, sa façon d'en parler dans ses films ainsi que ses intentions générales sur ce film "ardu". On aura droit aussi à une interview de l'incontournable chef-op Nykvist (qui nous donne une petite leçon sur le réalisme au cinéma et sur son travail préalable sur la lumière pour éviter notamment les ombres - du grand art, du rigorisme pur et dur), de la personne en charge des repérages, de l'accessoiriste et d'un petit tour dans les décors (construire une église pour le tournage d'un film sur le silence de Dieu, c'est quand même pas rien, c'est digne d'Herzog). On enchaîne avec la partie la plus passionnante, sûrement, celle sur la préparation du tournage d'une scène : deux acteurs, une poignée de répliques et de multiples répétitions pour atteindre à l'effet attendu : Bergman (qui rappelle un Bresson sur sa façon de diriger au millimètre les acteurs) se révèle une nouvelle fois un metteur en scène d'une précision de dingue ; chaque intonation, chaque geste, chaque micro mouvement est important, tout comme les ombres, tout comme la prise de son, tout comme le cadre ; s'il rigole entre les répétitions, c'est juste pour détendre un brin ses acteurs desquels il attend une concentration de dingue à chaque prise. C'est beau, franchement, de voir à quel point le réalisateur est attentif au moindre détail, d'écouter la finesse de ses commentaires ; il sait exactement ce qu'il veut, ce qu'il attend ; dans la deuxième partie de cette partie consacrée au tournage, il revient justement sur sa relation aux acteurs et sur ses attentes de metteur en scène ; un Bergman sûr de son art pour lequel il se donne les moyens.

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Sur la partie post-prod, on aura droit à une petite leçon de montage - de l'épure, toujours de l'épure. Bergman partage avec Bresson (la base...) sa philosophie de la musique de film (trop redondante) et fait preuve d'une attention particulière à chaque son, à chaque bruitage ; l'interview et l'exemple d'une scène montée sont une nouvelle fois fort intéressants, Bergman démontrant cette capacité à aller à l'essentiel, en gommant tout effet superflu, répétitif. L'ultime partie (non Bergman n'assiste pas à la Première... on ne le voit pas plus participer à une projection en public) est surtout consacré à sa relation avec la critique ; Bergman n'essaie pas de noyer le poisson et tente de répondre avec une grande franchise aux questions particulièrement bien ciblées (euh... oui ce ne fut pas toujours le cas avant, dirais-je) de son interlocuteur ; on peut apprécier au passage l'exemple qu'il prend pour évoquer l'effet d'une critique ; quand elle est positive c'est comme caresser une zone érogène, quand elle est négative, c'est comme un choc sur la même zone - autant dire que tu douilles... Même s'il a apprit à prendre quelque peu ses distances avec cette épreuve incontournable qu'est la critique, on le sent tout de même toujours à l'affût de l'accueil de ses œuvres ; il ne se sent en rien au-dessus de tout cela et l'on sent à quel point ce thème aiguise son intérêt - il devient même pour un temps l'interviewer de la personne qui l'interview, lui balançant une série de question pour comprendre, éventuellement, l'état d'esprit du critique... Un autre aspect est évoqué lors de cette partie, elle concerne le jugement que Bergman porte sur ses propres faiblesses (la volonté de contrôler les autres... de tout contrôler) comme de ses forces (sa certitude de maîtriser son art... c'est dit) ; on sent qu'il n'est pas là pour faire des réponses de normand mais qu'il a toujours une idée très précise de ce qu'il peut offrir par le biais de son art. Rien de moins ; mais il y a aussi beaucoup plus que cela, le cinéaste, méticuleux en tout, se livrant sur tous les thèmes abordés sans langue de bois. Bref, pour les fans de Bergman mais aussi, forcément, pour les fans de cinoche, tout court. Une leçon en toute décontraction.

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Jamais marre d'Ingmar

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