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Shangols
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16 novembre 2021

Dead Pigs (海上浮城) de Cathy Yan - 2018

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Ce petit film charmant est passé au-dessus des radars de mon Shang, qui devrait pourtant être à son aise dans ce portrait du Shanghai contemporain à travers une poignée de figures exemplaires de la Chine. Cathy Yan, avec un ton assez solaire mais qui n'ôte rien au côté doux-amer de son film, construit une trame très bien écrite à partir de personnages qui a priori n'ont rien à voir l'un avec l'autre : un éleveur de porcs endetté à la recherche d'argent, la gérante d'un salon de beauté qui refuse de vendre sa maison familiale pour laisser la place à un gros complexe immobilier, un architecte expat américain avide de croquer le pactole de la modernité chinoise, un serveur timide et une jeune fille un peu prostipute sur les bords. Autant de caractères tous emblématiques d'un écrasement de la société capitaliste galopante, ensevelis sous le poids de la rentabilité, du commerce des corps, des sentiments, du sacré. Autour de la mort subite des cochons du pauvre éleveur s'organise toute une trame assez subtile, où chaque personnage va se dévoiler et dévoiler ses liens avec les autres. Le film montre un état du pays assez alarmant, où le profit est devenu le seul ressort de la vie des gens, mais le fait d'une manière très douce, n'hésitant pas à verser dans la comédie, dans le ridicule, surtout dans les moments où on risquerait de sortir les mouchoirs. Yan a le chic pour renverser la vapeur, pour ne jamais tomber dans le mélo, et pour éviter les grands sentiments.

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Il y a du Altman dans la pudeur de ce film, justement, dans sa simplicité et dans son humanisme. Dès qu'on est dans un film choral, bien sûr, on pense au brave gars, mais ce film semble vraiment être un hommage, et trouver plus souvent qu'à son tour le subtil équilibre entre drame et comédie qui le caractérise. On note aussi que Jia Zhang-Ke est producteur du bazar, et on reconnaît tout autant sa trace, sa manière de faire de la politique par le petit bout de la lorgnette du quotidien le plus terre-à-terre. Mais Dead Pigs est avant tout un film qui a son ton personnel assez original. Le jeu des acteurs, notamment les deux principaux, tend au burlesque malgré le sort qui les accable ; cet humour est idéal pour balancer un discours foncièrement anti-capitaliste dans la dentelle : la Chine y est montrée comme un monstre pris dans la spirale du progrès, en quête éperdue de reconnaissance mondiale (ces villes qui copient Barcelone ou Paris), et qui n'hésite pas à broyer les petites gens dans son engrenage : les victimes sont bien entendu les pauvres, petits propriétaires ou adeptes de la débrouille, assez impuissants face aux bulldozers. Cruelle avec ses personnages, qu'elle aime pourtant de toute évidence, Yan les montre enfermés dans un monde virtuel, refusant la réalité : qui en s'évadant dans les jeux vidéo, qui en niant les travaux autour de sa maison, qui en se construisant une histoire d'amour "au-dessus de sa condition" ; mais le monde réel vient cogner à la porte, et il n'y a plus dès lors qu'à compter sur la solidarité : c'est la très belle scène finale, qui vire à la comédie musicale en rassemblant tous les personnages en un seul combat, dérisoire et perdu d'avance mais noble. Bref, c'est très joli, rythmé au taquet, légèrement pop et coloré, triste dans le fond, pudique dans la forme : je prends.

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Commentaires
T
Son Birds of Prey était très bien aussi!
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