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Shangols
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2 février 2022

La Fièvre de Petrov (Petrovy v grippe) (2021) de Kirill Serebrennikov

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Toujours dit qu'il fallait se méfier de la grippe, cela fait plonger dans des états seconds... Et c'est bien dans un état second, ou tout du moins dans une sorte d'univers parallèle (ou la réalité et la fiction, le présent et le passé, le quotidien et l'imaginaire se mêlent avec bonheur) que nous emmène ce bon Serebrennikov. Un homme dans un bus bondé et c'est parti pour un voyage dans le temps et dans l'espace avec une caméra portée d'une fluidité exceptionnelle (ah ! ces directeurs de la photo russes...) : notre homme descend du bus, prend une arme, exécute une bande de bourgeois, de nantis, remonte dans le bus, reprend son voyage - on comprend aisément (...) que l'on vient d'assister à une parenthèse qui n'a eu lieu que de son esprit mais on est dès lors sur ses gardes : qu'est-ce qui relève de la réalité, de la "fiction", à l'image de ce vieux pervers évacué manu militari du bus ?... On suivra Petrov dans ses mésaventures qui semblent le mener, physiquement, de plus en plus au fond du trou (l'alcool et les aspirines périmées n'aidant en rien), notre homme se réveillant dans un corbillard où le mort a disparu et se retrouvant tout du long pris dans une sorte de tourbillon d'histoires : des réminiscences de son enfance (avec des parents "chahuteurs" et une fée irréelle), un écrivain qui l'emmène littéralement et littérairement dans un délire homosexuel dont il est le héros - avant de se suicider (avec l'assistance de Petrov)... et j'en passe, une trajectoire pour le moins troublante pour notre homme qui finit par échouer dans l'appartement de son ex-femme où son enfant semble également pris de fièvre... Serebrennikov entremêle également dans son récit le quotidien de cette ex-femme justement, qui semble posséder, le cas échéant, des super-pouvoirs (l'entrainant également dans des "visions" à forte teneur sexuelle ou dans des combats où cette frêle personne fait figure de vengeresse impitoyable)... On ajoute à cela une petite visite extra-terrestre, un sublime flash-back en noir et blanc sur l'histoire un rien morbide de cette fameuse fée qui a illuminé l'enfance du héros ou encore une petite balade pleine de complicité entre un père et son fils, une foultitude de chansons, de rires gras et de réflexions politico-artisitiques un peu foutraques et l'on obtient ce magnifique ovni d'un Serebrennikov jamais à cours d'idées, d'inventions narratives et visuelles...

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Oui, c'est vrai, dès le départ, on ne sait trop où le gars nous mène - heureusement, rapidement on se laisse porter par ce récit qui passe en un clin d’œil de situations pour le moins sordides à des parenthèses pleines de poésie... La parole est omniprésente, la musique constante, la noirceur de circonstance comme si notre ami Serebrennikov avait décidé de lâcher totalement les chevaux pour nous faire pénétrer dans l’œil du cyclone de l'âme russe - une notion aux contours très flous qui trouve ici, oserais-je écrire, un parfait écrin... On pense parfois s'être un peu perdu dans ce récit mais le retour incessant de certains personnages, de certaines images-clé (cette fée des neiges qui a durablement marqué l'esprit de Petrov) suffisent pour qu'on trouve du sens, de la logique dans ce véritable rêve éveillé, fiévreux comme la braise... Une enfance trouble zébrée de moments inoubliables, une histoire d'amour foirée dont il ne reste qu'un rejeton auquel Petrov tient comme à la prunelle de ses yeux, un monde qui part en vrille où il est parfois difficile de distinguer les morts des vivants, une fée au regard si doux qui cache une histoire si sombre, l'univers cinématographique de Serebrennikov est un melting-pot d'émotions, de visions fugaces qui nous entraine jusqu'au bout de la nuit des songes, jusqu'au bout du délire... Cela fait enfin bien plaisir d'avoir la fièvre !! Un véritable voyage cérébral d'un Serebrennikov en très grande forme.   (Shang - 04/11/21)

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La plupart du temps, quand on fait comme ça un film sur le rêve, sur l’hallucination, tout est tellement possible qu'on finit par se lasser très vite du scénario, qui vire rapidement à la roue libre. Exception donc ici : La Fièvre de Petrov est impressionnant, puisqu'il est construit entièrement sur les délires d'un gars gagné par la fièvre, mais qu'il reste tenu de bout en bout, qu'il ne se laisse jamais aller à la simple divagation. Qu'ajouter au texte enthousiaste de Shang ? pas grand chose, si ce n'est que je partage on ne peut plus son enthousiasme. On pénètre en deux minutes dans la psyché de Petrov, et on ne la quittera plus jusqu'au bout, se laissant entrainer dans ses visions sexuello-morbides, son imagination vacillante, ses fantasmes enfiévrés, croisant aussi bien des scènes sanglantes que des délires sexuels, des rêveries liées à son enfance que des pulsions torves. Pendant plus de deux heures, Serebrennikov ne varie pas d'un poil de son projet, et parvient à ne pas nous ennuyer une seule seconde, osant même le décrochage complet dans la dernière demi-heure : abandonner son personnage principal et sa forme de mise en scène pour s'intéresser à une femme qui paraissait jusque là secondaire et qui devient une sorte de "Rosebud" de la vie de Petrov. Le gars tente de toute façon tout, du "sketch" de super-héros (avec cette femme-Hulk qui devient surpuissante dès qu'elle est énervée) à l'hommage fellinien (il y a du 8 1/2 là-dedans), et il réussit tout. Après un Letto qui m'avait laissé un peu partagé, ce film-là me laisse proprement sur le cul. Gloire aux rêveurs.   (Gols - 02/02/22)

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