Max et les Ferrailleurs de Claude Sautet - 1971
L'âge venant, ironie du sort, je me mets à apprécier Charles Trénet et Claude Sautet, voyez la dégringolade... En tout cas, Max et les Ferrailleurs a vraiment une bonne gueule, et pas seulement grâce à la présence impériale de Piccoli (dans un de ses plus grands rôles, franchement), et malgré la présence de Romy Schneider (que je ne finirai par aimer que vers 90 ans, selon mes calculs). Toujours aussi affûté au niveau de la justesse des sentiments, le gars nous tresse cette fois-ci une sorte de polar pur jus, ou en tout cas un film noir de chez noir. C'est l'histoire d'un flic qui en a marre que les truands lui échappent toujours de justesse, il rêve d'un bon vieux flagrant délit, le truc indéniable qui enverra les malfrats à l'ombre. Alors pourquoi pas pousser des petits bandits du dimanche au gros coup et les piéger la main dans le sac ? Il suffit pour cela de dénicher un petit pigeon, de séduire sa compagne et de lui souffler à l'oreille et sur l'oreiller des renseignements bien juteux sur une agence bancaire qu'il serait facile de braquer... Piccoli semble tout contrôler, déploie son jeu, fait le malin mais tombera dans le ravin, car ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que ladite compagne à séduire le séduira tout pareil, et, "cherchez la femme", sera le grain de sable de ce rouage parfaitement mis en place. C'est la belle Romy qui interprète la prostipute fatale, il aurait pourtant dû se méfier. En attendant un dénouement qu'on devine tragique pour tout le monde, on regarde cet homme "sans sentiment" poser son piège, et se jouer du naïf Bernard Fresson et de sa bande.
Au niveau de la direction d'acteurs, c'est bien simple, c'est parfait. A part Boby Lapointe (que je n'aimerai qu'à 107 ans) qui joue comme une patate, les autres comédiens sont impressionnants. A leur tête, le grand, l'immense, l'irremplaçable Piccoli, qui se paye ici un rôle de quasi-autiste, tout de noir vêtu, uniquement guidé par son obsession, et qui ne se rend pas compte qu'en mettant en scène ainsi son casse, il met en scène la vie elle-même. Froid, calculateur, concentré, il fait une image parfaite du réalisateur de cinéma, et Sautet semble avoir mis beaucoup de lui-même dans ce personnage un peu à part de l'histoire, qui la dirige tout en faisant mine de s'en extraire. Les seconds rôles sont également tous superbement choisis, de François Perrier, pour une fois pas tout à fait dans sa fonction de vieux briscard, à Fresson, naïf petit bleu. Sautet utilise sa parfaite connaissance de l'âme humaine pour nous raconter l'histoire d'une déviance, et même d'une double déviance : persuadé de contrôler le monde, de le plier à sa volonté, Max va se trouver littéralement obsédé par Lily jusqu'à sortit enfin de ses gonds ; et Piccoli poursuit son exploration des arcanes du mal qui ronge les hommes, après Dillinger est mort et avant Les Noces Rouges. Alors tant pis si tout ça est un peu bourgeois et mis en scène au plus efficace, tant pis si le style manque un peu à Sautet qui s'efface devant ses acteurs et livre une réalisation vieillotte et convenue : on replonge avec délice dans les années 70 et dans un de ces bons vieux films tendus, et on aime. Vraiment.